J - 54.500 à 52.200 AEC
Interpléniglaciaire
Stade d’Ebersdorf
MIS 3 (2/9)
CLIMAT
Le stade d’Ebersdorf fut un épisode globalement froid situé entre v. 54.500 et 52.200 AEC, mais qui regroupa plus finement plusieurs oscillations froides et tempérées. On pourrait le comparer à ‘’un interstade d’Oerel à l’envers’’ parce que, ici, les oscillations froides l’emportèrent sur les oscillations chaudes. Il correspondit aux GS-16 et GS-15 ; lesquels furent eux-mêmes entrecoupés de deux pics de réchauffements appelés GI-15.2 et GI-15.1. Le Nord-Ouest de l’Europe devait présenter des paysages qui oscillaient entre la toundra et les régions dénuées de végétation. Le niveau des océans oscillait peut-être entre – 50 et – 80 mètres ? Ce qui permit à la Beringie d’émerger de nouveau. Dans l’Est de l’Europe, le stade d’Ebersdorf s’appelle stade de Kashin ; dans ces régions, il englobe aussi l’interstade de Glinde qui le suivra, car cette amélioration climatique y fut moins marquée qu’en Europe occidentale [cf. carte K].
Le retour du froid dut mettre un frein temporaire à l’expansion des Humains modernes en Eurasie, voire les conduire à se réfugier dans des régions épargnées. Toutefois ces mouvements furent peut-être modestes, car les Humains modernes n’avaient probablement pas encore beaucoup empiété sur les régions septentrionales jusqu’à cette époque.
En Afrique, les conditions désertiques persistaient dans le cadre de la phase sèche du Maluekien commencée au lendemain de la catastrophe Toba.
Peuples africains d’haplogroupes A et B
Nous avons précédemment séparé l’Afrique sub-saharienne en trois grands groupes ethnolinguistiques indigènes :
- les *Lupembiens en Afrique de l’Ouest d’une part, et en Zambie et en Angola d’autre part (c’est-à-dire de part et d’autre de la grande forêt) portaient peut-être majoritairement l’haplogroupe A1a auquel s’était agrégé les très primordiaux haplogroupes A0 et A00 en Afrique de l’Ouest atlantique.
- les *Proto-Khoisans au Sud du continent, portaient majoritairement les haplogroupes A1b-M13 et A1b-M51 ;
- les *Etéo-Africains au Kenya, Ouganda, Nord-Congo et Sud-Soudan, portaient les haplogroupes BT* et B. Sans certitude, c’est à cette époque, v. 53.000 AEC, que nous plaçons la séparation de B2a et B2b en Afrique de l’Est ; avec B2a en périphérie occidentale et méridionale de B2b [cf. carte K]. Une étude génétique propose une date antérieure à 50.000 ans pour l’origine des Pygmées, qui sont aujourd’hui majoritairement B2b. Mais ceci ne signifie pas que le mode de vie forestier était déjà acquis dès cette époque.
Peuples africains d’haplogroupe DE* et E
En Afrique de l’Est *Rétro-Africaine, l’haplogroupe E donna peut-être naissance v. 53.000 AEC à ses deux grands variants E1 et E2. Cela pourrait signer une fragmentation de la population initiale en deux groupes dont la réalité ne nous est pas accessible ? Pour tenir compte de la dynamique populationnelle de leurs descendants nous proposons de situer E1 à l’Ouest du massif éthiopien et E2 au Sud ? Les dates et les localisations ne sont pas assurées.
Peuples asiatiques d’haplogroupe DE* et D
Les peuples *Paléo-Asiatiques DE* de cette époque pourraient avoir été cantonnés dans les conservatoires insulaires des Andamans, des Philippines, de Sulawesi et du Sahul ? Ce n’est qu’une supposition gratuite. Gratuitement, toujours, pour faciliter leur identification ethnolinguistique sur les cartes, nous les nommerons respectivement désormais Andamanais, *Paléo-Philippins, et *Paléo-Australiens237. Ces derniers étaient peut-être toujours cantonnés à la zone tropicale ?
- Hypothétiquement, toujours, la péninsule d’Indo-Sunda aurait pu être peuplée par des tribus D* aux industries très primitives, puisque tombées dans le ‘’puits cognitif’’ [cf. introduction & carte Q]. A l’époque où nous sommes arrivés, la géographie les avait séparé en deux groupes que nous proposons de nommer *Paléo-Sunda au Sud et *Paléo-Indochinois au Nord, peut-être l’un et l’autre basés sur D* et D1* ? Ces anciens peuples ne sont aujourd’hui accessibles que par la spéculation en raison d’une insuffisance de vestiges exhumés et parce qu’une succession en rafale de peuples nouveaux a depuis longtemps effacé leur piste en lignée patrilinéaire. Puisque nous essayons, ici, de combler par le raisonnement une totale absence documentaire, il ne serait pas aberrant non plus que des tribus D* aient rejoint le peuple DE* en Australie, à la faveur de l’épisode stadial qui facilitait les voyages maritimes parce que la largeur des bras de mer à traverser était réduite ? Ce peuplement en deux temps pourrait expliquer la coexistence, en Australie préhistorique, de populations dites ‘’robuste’’ et ‘’gracile’’ ; les premières pouvant avoir été composées de tribus DE* arrivées les premières et qui étaient encore très ‘’Dénisovienne-like’’, tandis que les secondes auraient pu être des tribus D* plus modernes ? Cette même question pourrait aussi être posée à propos des tribus porteuses d’haplogroupes arrivés ultérieurement en Indo-Sunda, comme C* puis F* ? Malheureusement, cela est impossible à déterminer en l’absence d’archéogénétique !
- Enfin, plus au Nord et avec un degré d’inconnue un peu moins abyssal, des populations porteuses de l’haplogroupe D1a pourraient s’être répandues à l’intérieur de la Chine, au Sud du fleuve Bleu ; tandis que des populations D1b peuplaient plutôt le littoral chinois au long duquel elles atteignirent peut-être alors l’embouchure du fleuve Jaune ? Ces populations D1a et D1b étaient respectivement les ancêtres patrilinéaires des *Paléo-Tibétains et des *Proto-Aïnous. Leur industrie était primitive, faite de galets cassés évoquant le vieil oldowayen, mais auxquels s’ajoutaient des petits éclats réalisés à partir de nucléus préparés (small flake tools / S. FLK). Bien que non levallois, ces éclats étaient des produits secondaires que l’on peut donc considérer comme relevant d’une certaine façon du ‘’mode 3’’, c’est-à-dire du Paléolithique moyen. Nous avons cependant vu que, pour certains chercheurs, ces industries ne méritent pas ce qualificatif de Paléolithique moyen. Mais quelle que soit la dénomination que l’on veut bien forger pour décrire le plus exactement possible ces industries, leur retard s’explique pour deux raisons : 1) les populations D1 remontaient vers le Nord après être passées dans le ‘’puits cognitif’’ où elles avaient hérité des gènes ‘’pauci-cognitifs’’ des Dénisoviens Méridionaux ; 2) la pression de sélection qui favorisait les gènes ‘’normo-cognitifs’’ était contrée par de nouveaux métissages avec les Néandertaloïdes *Proto-Mongoloïdes de Chine qui, bien que moins archaïques que les Dénisoviens Méridionaux, étaient quand même des Hommes archaïques ‘’pauci-cognitifs’’ eux aussi !
Pour terminer ce chapitre, on fera remarquer que ce qui reste aujourd’hui des peuples DE* / D qui vivaient à l’époque du stade d’Ebersdorf exprime le type physique Australoïde : au Nord, les Aïnous sont leucodermes, mais on les a qualifié d’Australoïdes blancs ; au Sud, les Andamanais238, certains peuples tribaux de la péninsule malaise (Orang Asli239) et certains peuples tribaux des Philippines (Aetas240) sont des peuples mélanodermes appelés collectivement Négritos241 (terme désignant une variante du type Australoïde) ; enfin, chacun sait que les Aborigènes australiens sont à la fois mélanodermes et Australoïdes. De ces observations, on peut inférer que les peuples DE* / D originaux étaient mélanodermes et ressemblaient physiquement à leurs descendants actuels. C’est en remontant vers le Nord et en se métissant avec les Néandertaloïdes de Chine, que les ancêtres *Proto-Aïnous des Aïnous éclaircirent la couleur de leur peau ! A l’autre bout du Monde, ils furent les premiers hommes modernes à subir cette ‘’leucodermisation’’ qu’allaient bientôt connaître à leur tour les Humains moderne d’Occident. Enfin, une dernière chose reste à dire sur ce peuple DE* / D qui fut le substratum sur lequel vinrent se surimposer tous les peuplements ultérieurs de l’Asie orientale : les dents des Humains actuels originaires de ce qui reste du Sahul et du Sunda, mais aussi de ceux qui vivent en Chine du Sud et au Japon, sont dites ‘’sundadontes’’, par opposition aux dents dites ‘’sinodontes’’ des populations Mongoloïdes242. Par conséquent, l’aire actuelle de la sundadontie couvre exactement celle que nous attribuons aux Dénisoviens Méridionaux, si l’on admet que les observations japonaises et australiennes sont la conséquence de migrations anciennes de DE* et de D1 en provenance du Sud-Est asiatique. Considérées dans leur ensemble, ces observations anthropologiques ajoutent au crédit à un passage par la ‘’voie du Sud’’ pour reconstituer la migration de l’intégralité du peuple DE*(D) / D.
Peuples d’haplogroupe C
Peut-être depuis 5000 ans déjà, les peuples Déné-Caucasiens d’haplogroupe C avaient entamé une importante diversification.
Marchant sur les traces de la vague *Paléo-Asiatiques DE* / D, nous avons vu que des porteurs de l’haplogroupe C* – que nous avons appelés *Déné-caucasiens-Paléo-Méridionaux – s’étaient peut-être installés dans le sous-continent indien lors de l’interstade d’Oerel ? [cf. carte I]. Au stade d’Ebersdorf, ces populations habitaient peut-être déjà le Bengladesh et le Nord-Ouest de la Birmanie qui était facile à atteindre en raison de la disparition des Sundarbans. Il faut postuler leur existence car des individus C*(non-C1, non-C2) vivent aujourd’hui à l’état relictuel dans les petites îles de la Sonde qui serviront probablement de refuge ultimes à leurs ancêtres lorsque ceux-ci seront repoussés par les nouveaux peuples qui suivront leurs traces.
D’autres groupes C* – que nous avons précédemment postulés établis en Asie Centrale [cf. carte I] – étaient probablement ancestraux vis-à-vis de l’haplogroupe C2 encore à venir, et pourraient avoir formé le noyau des futures populations *Déné-Caucasiennes-Orientales qui seront à l’origine des groupes ethnolinguistiques Sino-Tibéto-Birmans, Ienisseïens et Na-Déné. Sur les cartes, nous les nommons C*(C2) pour connoter que ces C*-là contenaient les ancêtres patrilinéaires de toutes ces populations basées sur C2. Au cours du stade d’Ebersdorf, le froid devait les empêcher de s’établir loin vers le Nord ? Peut-être ne dépassaient-elles pas encore le Nord de l’Ouzbékistan ?
Enfin, dans le groupe basé sur C1 des populations *Déné-Caucasiennes-Centrales, c’est peut-être à cette époque, v. 53.000 AEC, que les variants C1a et C1b donnèrent respectivement naissance à leurs propres variants C1a1 et C1a2 d’une part, ainsi que C1b1 et C1b2 d’autre part. A l’époque, il est probable que des variants C1a* et C1b* existaient à leurs côtés. Si ces derniers ont aujourd’hui disparu, c’est peut-être parce qu’ils sont restés sur place, en périphérie immédiate du ‘’hub’’ où ils furent plus tard recouverts par les haplogroupes ‘’Nostratiques’’ issus de GHIJK ; ce qui veut dire que les variants de C1a et C1b qui ont survécu jusqu’à nous n’ont pu le faire que parce qu’ils furent emportés hors d’Iran par des expansions colonisatrices. En effet, dès cette époque, il est possible que des tribus C1a1, suivies de tribus C1b2 aient commencé à progresser au Pakistan puis en Inde du Nord-Ouest ? Collectivement, nous affilierons pour l’instant ces migrants de l’Est à un même groupe ethnolinguistique *Déné-Caucasien-Méridional qui suivait les traces des C*(non-C1-non-C2) partis avant lui ; ces gens contenaient les ancêtres patrilinéaires des Aborigènes australiens et de certains des habitants actuels des îles Ryükyü. Enfin, restés en arrière, les groupes C1a2, C1b* et C1b1 constituaient un groupe *Déné-Caucasien-Central que nous situons sur le plateau iranien ; de leurs rangs sortiront un jour les *Aurignaciens (basés sur C1a2) ainsi que certains peuples du Pamir et du Nord-Caucase (où subsistent toujours des individus C1b). Nous les rencontrerons plus loin sur le fleuve du temps.
Peuples d’haplogroupes F*(non-GHIJK)
Situation ethnolinguistique inchangée.
Peuples d’haplogroupes GHIJK
Pour l’heure, tous les variants de l’ancien haplogroupe GHIJK devaient encore être regroupés au cœur du ‘’hub’’ moyen-oriental :
- GHIJK*(G) était la forme ancestrale de l’haplogroupe G qui apparaitra v. 40.000 AEC ;
- HIJK*(H) était la forme ancestrale de l’haplogroupe H qui apparaitra v. 45.000 AEC ;
- et IJK dont le destin allait être planétaire.
Nous avons précédemment situé la diversification de HIJK au cours de l’interstade d’Oerel, v. 55.000 AEC [cf. carte I] ; toutefois, elle pourrait tout aussi bien dater du stade d’Ebersdorf, v. 53.000 AEC243.
Tous ces gens étaient encore étroitement apparentés au sein d’un même groupe ethnolinguistique *Nostratique-Ancien / *Nostratique-1. Dans cette région du Golfe Persique, leurs langues se développaient sur le mode tranquille, c’est-à-dire sans subir aucune interaction avec les langues effilochées puis entrechoquées de leurs cousins DE, C et F qui étaient partis s’implanter soit dans le Far-East soit dans le Far-West [cf. introduction pour la linguistique].
Peuples Paléo-Levantins
Situation ethnolinguistique inchangée. Bien que situé à une date antérieure à l’Aurignacien, le peuplement des régions levantines était déjà constitué d’Hommes modernes, ainsi qu’on le constate à Manot. La culture locale demeurait moustérienne.
Hommes archaïques
Une fois de plus, les Néandertaloïdes d’Eurasie durent se replier vers le Sud et en plaine sous l’effet du froid. Mais, cette fois-ci, ils butèrent nécessairement sur leurs cousins modernes qui avaient déjà colonisées toutes les régions méridionales de leur continent ancestral. Les zones refuges où vinrent s’établir les Hommes archaïques étant probablement à situer en périphérie moins attractive des zones occupées par les Hommes modernes qui étaient en capacité de s’accaparer les meilleures terres.
En étendant ce raisonnement au-delà du stade d’Ebersdorf, nous pouvons penser que toutes les périodes stadiales du MIS 3 furent des époques où les occasions de métissages entre Hommes modernes et Néandertaloïdes furent accentuées au long du front d’hybridation ; et cela tant que des Néandertaloïdes de ‘’pure souche’’ ou des peuples fortement métissés avec eux continueront à pouvoir être identifiés. Au cours du LGM – épisode stadial s’il en fut – les phénomènes Solutréen [cf. carte R] et surtout Badegoulien [cf. carte S] nous donnerons une dernière fois l’occasion de réfléchir à ces métissages à une époque où les Néandertaliens de ‘’pure souche’’ auront pourtant disparu depuis longtemps.
Enfin, c’est probablement au cours du stade d’Ebersdorf que commencèrent à disparaitre les Homo erectus nains de l’île de Flores, impitoyablement rattrapés par le chambardement du Monde. Ils avaient survécus jusque-là en l’absence de compétiteurs humains, et c’est peut-être un mouvement migratoire de tribus D* qui sonna leur glas ? [cf. ci-dessus]. La disparition totale des Hobbits ne sera cependant entérinée que lors du stade de Glinde [cf. carte K].
Notes :
(237) A la différence de ‘’Proto-‘’ qui connote une filiation ADN-Y directe, le terme ‘’Paléo-‘’ connote une population qui vivait dans une région sans être ancestrale ADN-Y de la population actuelle de cette même région. Nous donnerons bientôt le nom de *Proto-Australien à des peuples d’haplogroupe C qui seront les ancêtres patrilinéaires directs des Aborigènes d’aujourd’hui.Retour
(238) Installés au début de la vague DE*, on a vu cependant que ceux-ci expriment peu de gènes Dénisoviens. Leur morphotype ‘’Négrito’’ est donc peut-être un héritage *Proto-Veddhoïde où entrait une forte proportion Néandertaloïde acquise lors de la traversée des Indes et non ‘’diluée’’ par le séjour prolongé en Asie du Sud-Est de ceux qui sont allés plus loin et qui se sont mêlés aux Dénisoviens méridionaux.Retour
(239) Aujourd’hui, ils n’expriment pas les haplogroupes DE* / D, mais l’haplogroupe O à 75% et l’haplogroupe K à 25%. Ceci fait penser à un remplacement des lignées patrilinéaires.Retour
(240) Aujourd’hui, ils n’expriment pas les haplogroupes DE* / D, mais surtout l’haplogroupe K et moins l’haplogroupe O. Ceci fait penser à un remplacement des lignées patrilinéaires.Retour
(241) Ce terme fait à la fois référence à leur petite taille et à leur peau noire. Dans les notes précédentes, on a vu qu’en dehors des Andamanais, ils ont renouvelé depuis longtemps leurs haplogroupes ADN-Y. Mieux que d’autres peuples de la région, ils témoignent toutefois encore de la première strate de peuplement moderne de l’Indochine et du Sunda.Retour
(242) On pourrait objecter que les Japonais sont Mongoloïdes. Oui, mais le premier peuplement *Proto-Aïnou du Japon ne l’était pas complètement. Au Japon, le type Mongoloïde s’est renforcé avec les invasions ultérieures.Retour
(243) A ce propos, les variants qui réussissent apparaissent peut-être plus souvent en périodes stadiales qu’en périodes interstadiales. Cela parce que les périodes interstadiales réduisent et fragmentent le tissu des communautés humaines.Retour