P - 28.000.000 à 23.000.000 AEC
OLIGOCENE Supérieur – Chattien
EU-CATARRHINI (suite) v. 29 MA Afrique
C’est dans le contexte de la radiation spécifique qui accompagna le début de l’Oligocène Supérieur, qu’apparurent les Cercopithécoïdes et les HOMINOÏDES auxquels nous appartenons. A eux deux, ces clades survivants totalisent 96 espèces dans la nature actuelle.
Cercopithecoidea
Forts de leurs 80 espèces environ, les Cercopithécoïdes sont aujourd’hui beaucoup plus prospères que les Hominoïdes. Pourtant, c’était le contraire au début de leurs histoires respectives, car le climat chaud et humide de l’Oligocène était particulièrement adapté aux Hominoïdes qui, comme tous les Primates jusque-là, étaient des espèces très thermophiles. Il faudra attendre l’apparition d’un climat plus frais et plus sec au Miocène Supérieur (à partir de v. 11,5 MA) pour que les Hominoïdes thermophiles régressent et pour que les Cercopithécoïdes Cercopithécinés – moins thermophiles et capables de subsister dans des espaces ouverts et secs – les remplacent grâce à leurs nouvelles adaptations. Ils comprennent plusieurs familles :
*Nsungwepithecidae
Des dents et un fragment de mâchoire suffisent à situer Nsungwepithecus (v. 25 MA, Tanzanie) comme un représentant basal du clade Cercopithécoïde.
Nsungwepithecus – 25 MA – Cercopithecoidea basal – Tanzanie
Victoriapithecidae
Ces Primates arboricoles (Noropithecus, Victoriapithecus) ont vécu en Ouganda et au Kenya, aux Miocènes inférieur et moyen (entre 23 et 11 MA). Le succès contemporain des Hominoïdes, explique l’extension limitée de ce groupe ancien. Les Victoriapithécidés forment le groupe frère des Cercopithécidés actuels.
Victoriapithecus – 23/11 MA – Victoriapithecidae – Kenya
Cercopithecidae
Eux aussi pourraient être apparus au début du Miocène (v. 23 MA). Les premiers représentants de ce grand clade de Singes modernes devaient être arboricoles comme leurs ancêtres. Plus tard (v. 16,5 MA) il est possible que le pont continental émergé entre l’Afrique et l’Eurasie, soit à l’origine de la séparation des deux sous-clades actuels de Cercopithécidés :
(i) les Colobinae sont demeurés jusqu’à aujourd’hui des Singes arboricoles, et sont devenus principalement folivores, au point d’avoir développé un estomac à poches multiples, comme les ruminants. Eux-mêmes sont divisés en taxons africains formant un groupe d’espèces très homogènes (Colobus) et en taxons asiatiques beaucoup plus diversifiés (Semnopithecus, Nasalis, Rhinopithecus), ce qui indique généralement une histoire plus ancienne car il faut du temps pour se diversifier. Par conséquent, l’histoire des Colobinés pourrait avoir été la suivante : séparés des autres Cercopithécidés par leur passage en Eurasie (v. 16,5 MA), ils peuplèrent les forêts tropicales de leur nouveau continent dont le climat chaud et humide leur convenait très bien (Mesopithecus, Europe et Asie, à partir de v. 14 MA)64. Puis, lorsque commença la dégradation climatique (à partir de v. 11,5 MA, cf. cartes V & W), un taxon rétromigra en Afrique où il fut à l’origine des Colobes strictement définis (Colobus), lesquels ont laissé des fossiles v. 9 MA65. Restés en Eurasie, les Semnopithèques, les Nasiques, les Langurs et les Rhinopithèques se replièrent dans les forêts tropicales résiduelles ; lesquelles finirent par disparaitre de partout, à l’exception du Sud-Est asiatique ; ils y vivent toujours.
(ii) Les Cercopithecinae sont les Cercopithécidés demeurés en Afrique lors du départ des Colobinés (v. 16,5 MA) ; là, repoussés des zones qui convenaient le mieux aux omnipotents Hominoïdes, ils se sont progressivement adaptés aux étendues ouvertes de savanes et aux reliefs arides. La dégradation du climat survenue v. 11,5 MA fut leur chance : tandis que les Hominoïdes régressaient de partout à cause de la disparition de leurs forêts pluviales tropicales [cf. carte W], le nouveau climat sec et frais du Miocène Supérieur favorisa l’expansion des Cercopithécinés dans les nouvelles prairies et steppes sèches africaines. Ce fut naturellement l’occasion d’une radiation spécifique qui engendra les Cercopithèques / Cercopithecini strictement définis (Cercopithecus, Chlorocebus, Miopithecus …) ainsi que les Babouins / Papionini (Lophocebus, Papio, Macaca, Mandrillus, Theropithecus). Profitant de la réémergence définitive du pont continental entre l’Afrique et l’Eurasie, v. 10 MA, mais en l’empruntant en sens inverse des Colobes et des Homininés [cf. carte W], une espèce de Babouins – les Macaques (Macaca) – partit peupler les nouvelles prairies eurasiatiques ; aujourd’hui, les Macaques habitent toujours l’Asie et le Sud de l’Europe (Gibraltar), d’où certains sont parvenus à rétromigrer en Afrique du Nord lors de la crise messinienne (assèchement de la Méditerranée v. 5,5 MA). Hormis les Humains, les Macaques sont les seuls singes qui ont réussi à s’adapter aux régions tempérées ; ils vivent aujourd’hui jusqu’au Nord du Japon.
Semnopithecus – Actuel – Colobinae – Indes
Theropithecus – 4/0,1 MA – Papionini – Afrique
HOMINOIDA (sensu lato) v. 28 MA Afrique
Les Hominoïdes (au sens large) sont le groupe frère des Cercopithecoïdes. Dans la Nature actuelle, ils sont les ‘’Singes sans queue’’, lesquels comprennent les 14 espèces d’Hylobatidés (Gibbons et Siamangs) et les 5 espèces d’HOMINIDÉS (Orang-Outan, Gorille, Chimpanzé, Bonobo, et Humain). Mais au niveau cladistique le plus basal, on doit définir les Hominoïdes comme « ceux qui sont restés » après la séparation des Cercopithécoïdes. Peu importe que les plus anciens d’entre eux n’aient pas encore exprimé tous les traits caractéristiques des Hominoïdes d’aujourd’hui et, notamment, peu importe que ces premiers membres de la famille des ‘’singes sans queue’’ aient encore possédé une petite queue ! Pour éviter de se confronter à ce paradoxe, il serait possible de rebaptiser ‘’**Dendropithécoïdes’’ les Hominoïdes basaux, et de reporter l’origine du clade des ‘’vrais’’ Hominoïdes au dernier ancêtre commun que nous partageons avec les Gibbons (également dépourvus de queue) ? Mais ce ne sont que des artifices de dénomination et de seuil ! Les plus anciens Hominoïdes (sensu lato) n’ont pas de descendants actuels. Ils ont constitué des clades africains qui se sont détachés après le départ des Cercopithécoïdes et avant l’apparition des PROCONSULOÏDES. Leur origine doit par conséquent être recherchée dans une assez étroite fourchette chronologique correspondant à la radiation évolutive de l’Oligocène Supérieur : c’est-à-dire entre v. 28 MA (séparation des Cercopithecoïdes) et 25 MA (date de Rukwapithecus, le plus ancien Proconsuloïde connu) ? La morphologie générale des Hominoïdes serait plus primitive que celle des Cercopithécoïdes qui ont accumulé davantage d’innovations.
Kamoyapithecus
Etant donné son âge, il est possible que Kamoyapithecus (27 à 23 MA, Kenya) se soit détaché avant les Dendropithécidés ; mais certains auteurs estiment au contraire qu’il s’est détaché juste après. Quoi qu’il en soit, ce sont des formes proches. C’étaient des Primates arboricoles de grande taille pour l’époque (15 à 20 kg). Leur émail dentaire était mince, ce qui signifie qu’ils se nourrissaient d’aliments tendres (fruits et feuilles).
Dendropithecidae
Les Dendropithecidés ont laissé des fossiles entre 20 et 11 MA, mais leur divergence pourrait dater de v. 25 MA ? Leur clade pourrait avoir divergé avant celui des Proconsuloïdes, mais il pourrait aussi être le groupe frère de ceux-ci66 ? Au plan morphologique, les Dendropithèques (Dendropithecus, Simiolus) semblent intermédiaires entre les Cercopithécoïdes et les Hylobatidés (Gibbons) actuels. Ils avaient encore une queue et n’étaient pas très grands (entre 5 et 10 kg selon les espèces). Leurs bras suggèrent qu’ils étaient brachiateurs, même s’ils ne l’étaient pas de manière aussi efficace que les Gibbons ; à ce niveau, ils ressemblaient peut-être davantage à Ateles (Platyrhinien d’Amérique du Sud), ce qui est certainement une convergence adaptative davantage qu’un héritage de leur dernier ancêtre commun ; lequel était est bien trop ancien pour pouvoir avoir lui-même été brachiateur (v. 37 MA). Les dents des Dendropithécidés suggèrent une alimentation comparable à celle des Gibbons actuels (fruits, feuilles tendres, fleurs), ce qui est là aussi une convergence due à un mode de vie similaire !
Dendropithecus – 20 MA – Dendropithecidae – Afrique
PROCONSULOIDEA v. 25 MA Afrique
La systématique de ce clade est toujours en chantier. Ceci s’explique par l’indigence des fossiles et parce que plusieurs fossiles importants correspondent à des individus juvéniles, chez lesquels il est difficile de déterminer les caractéristiques dérivées ! Parmi les Hominoïdes, les PROCONSULOÏDES peuvent être considérés comme des formes ‘’sensu medio’’. Ils tirent probablement leur origine d’un Hominoïde basal, encore inconnu, qui vivait au début de l’Oligocène supérieur. Attestés depuis v. 25 MA (Rukwapithecus), ils sont les premiers grands singes véritables, en cela qu’ils ne possédaient plus de queue67 ; sans que l’on sache à quelle nécessité à bien pu répondre cette adaptation originale ? Leur anatomie est un mélange de traits dérivés caractéristiques des grands singes actuels, et de traits archaïques dont certains sont partagés avec les Cercopithécoïdes ; toutefois, l’anatomie postcrânienne rapproche les Proconsuloïdes des Hominoïdes plus récents. Ces Primates arboricoles, habitants de la forêt pluviale, exprimaient un dimorphisme sexuel comparable à celui des grands Singes modernes. Leur taille est très diverse d’une espèce à l’autre. Leurs pouces étaient opposables ; leur degré d’encéphalisation était important relativement à leur taille. Ils mangeaient davantage de fruits et de noix que de feuilles. Une caractéristique partagée par tous les grands singes actuels apparait pour la première fois chez les Proconsulidés : le profil dit « Y-5 » des molaires ! Cependant, il existe une différence fondamentale avec les grands singes modernes : les Proconsuloïdes étaient des quadrupèdes arboricoles et terrestres qui marchaient sur la paume de leurs mains et qui n’étaient pas capables de se déplacer par brachiation non plus qu’en s’appuyant sur leurs phalanges (knuckle-walking).
De ce groupe sortiront ce que certains appellent les Parahominoïdea (Afropithécidés) et les EU-HOMINOIDEA qui seront eux-mêmes le clade à l’origine des Hylobatidés et des HOMINIDÉS.
Rukwapithecus
Cette forme basale de Proconsuloïdes vivait trois millions d’années ‘’seulement’’ après la séparation d’avec les Cercopithécoïdes (v. 25 MA, Tanzanie). Il pesait environ 12 kg.
Rukwapithecus – 25 MA – Proconsuloidea basal – Afrique
Pour des raisons pratiques, ces sous-clades sont développés ici ; à l’exception de celui des Hominoïdes qui le sera carte Q.
Proconsulinae
De taille allant de celle d’un Babouin à celle d’une femelle Gorille, les espèces connues sont pour partie des chrono-formes : Proconsul hamiltoni (v. 20 à 19 MA, Kenya) ; Proconsul africanus (v. 18 MA, Kenya, Ouganda) pesait de 15 à 20 kg ; Proconsul heseloni (v. 18,5 à 17 MA, Kenya) ; Proconsul nyanzae68 (v. 18,5 MA, Kenya).
Proconsul africanus – v. 18 MA – Proconsuloidea – Afrique
Les Proconsul nyanzae avaient un museau plus allongé que les autres ; ils pesaient environ 30 kg ; certains les rapprochent des Kenyapithécidés.
Ugandapithecinae
Ils étaient initialement classés parmi les Proconsulinés, mais une étude récente indique un squelette postcrânien plus proche de celui des grands Singes actuels, ce qui situe peut-être l’origine de notre lignée parmi eux ? Cependant, ils étaient proches des Proconsulinés et pourraient avoir formé avec eux le groupe / clade des Proconsulidés ? La famille des Ugandapithécinés se compose de chrono-genres dont la taille a augmenté avec le temps : Ugandapithecus meswae (v. 22 à 20 MA, Kenya) était un tiers plus petit que U. major. Ugandapithecus legetetensis (v. 20 à 19 MA, Kenya) était seulement 17% plus petit que Ugandapithecus major. Ugandapithecus major69 (v. 19 à 18 MA, Kenya, Ouganda) atteignait la taille des futurs Chimpanzés (50 à 70 kg), avec un fort dimorphisme sexuel ; Malgré cette taille assez grande, sa capacité crânienne n’excédait pas celle des babouins actuels ; il vivait dans les arbres de la forêt pluviale, où il devait se déplacer de manière lente et quadrupède. Ugandapithecus gitongai (v. 18 à 15 MA, Kenya) est une forme tardive que des chercheurs estiment proche des futurs Chororapithecus et Samburupithecus70 [cf. carte S]. Mais ce ne sont probablement que des convergences liées à un mode de vie au sol.
Ugandapithecus major – v. 19/18 MA – Proconsuloidea – Afrique
Nyanzapithecinae
Quelques traits dérivés ont conduit à isoler ce troisième groupe parmi les Proconsulidés. Certains pensent que c’est d’eux que sont sortis les Afropithécoïdes et les *KENYAPITHECOÏDES, ancêtres des grands Singes modernes et donc des Humains. Toutefois, les Nyanzapithécinés connus sont un peu trop récent pour cela. Ils vivaient dans la forêt pluviale et – sans être brachiateurs – étaient peut-être meilleurs grimpeurs que leurs cousins Proconsulinés et Ugandapithécinés. Rangwapithecus (v. 20 à 19 MA, Kenya) est le plus ancien membre du groupe ; il était folivore préférentiel et pesait 15 kg environ. Turkanapithecus (v. 17,5 à 16,5 MA, Kenya) pesait environ 10 ka ; Nyanzapithecus (v. 16 à 14 MA, Kenya) était un omnivore arboricole d’environ 10 kg ; Mabokopithecus (v. 16 à 15 MA, Kenya) également, était de petite taille.
Nyanzapithecus – v. 16/14 MA – Proconsuloidea – Afrique
Afropithecoidea
Apparus v. 23 MA, les Afropithécoïdes constituent un quatrième groupe de Proconsuloïdes. Il est cependant possible que leur taxon fondateur ait pris sa racine dans l’un des trois autres groupes, peut-être celui des Nyanzapithecinae basaux ? Les Afropithécoïdes étaient d’apparence plus moderne que les autres Proconsuloïdes. C’étaient des quadrupèdes arboricoles et omnivores, peut-être relativement lents ; Contrairement aux autres Proconsuloïdes, ils avaient un début de crête sagittale, et la couche d’émail de leur dents était assez épaisse ; tout ceci indiquant un régime à base d’aliments protégés par une enveloppe dure et résistante. Cette particularité sera utile à leurs proches cousins Hominoïdes lorsque ceux-ci migreront en Eurasie v. 16,5 MA.
Afropithecus (v. 18 à 16 MA, Kenya, Ouganda, Arabie)
Ce que l’on connait de son anatomie, place Afropithecus en position proche de la souche du taxon HOMINOÏDE qui s’établit en Eurasie v. 16,5 MA [cf. Griphopithecus, carte T]. Il pesait environ 50 kg.
Otavipithecus (v. 13 MA, Namibie)
Ce taxon ‘’récent’’ mais d’allure primitive, est le seul Hominoïde ancien découvert au Sud de l’Afrique ; il restait proche des Proconsulidés mais certains en font un Afropithecus récent et dérivé.
Afropithecus – v. 18/16 MA – Afropithecoidea – Afrique
Notes
(64) : Avec la dégradation climatique, les Mesopithecus européens se replièrent dans les forêts méridionales. Ils disparurent v 5 MA (crise messinienne).Retour
(65) : Avec exactement la même temporalité et en suivant le même chemin, leur histoire est donc identique à la nôtre : celle d’animaux africains qui ont longtemps vécu en Eurasie tant qu’il y faisait chaud, avant de rejoindre l’Afrique au début de la vague de froid.Retour
(66) : Certains chercheurs les considéraient comme le groupe frère des Cercopithecoïdes ; d’autres comme des Proconsulidés basaux, malgré leur petite queue ; et d’autres encore comme les ancêtres directs des Gibbons, en raison de convergences adaptatives dues à un mode de vie similaire.Retour
(67) : En l’absence de reste du squelette postérieur, il est impossible d’affirmer que Rukwapithecus n’avait pas de queue ; mais cela est probable.Retour
(68) : Certains ont voulu changer le nom de genre en « Ekembo ». Mais nyanzae est tellement proche d’africanus, que cette proposition ne s’est pas imposée.Retour
(69) : Autrefois appelé « Proconsul major ». Il ne faut pas le confondre avec les Nyanzapithécinés.Retour
(70) : En revanche, les mêmes auteurs l’estiment plus éloigné du futur Nakalipithecus ; ce qui est parfaitement logique, puisque ce dernier est un Hominidé Homininé, proche de la racine des grands singes africains modernes ; et donc des Humains.Retour






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