O - 36.200 à 31.400 AEC
Interpléniglaciaire
Interstade de Les-Cottés : 36.200 à 34.600 AEC
Froid inter Les-Cottés / Denekamp : 34.600 à 33.500 AEC
Interstade de Denekamp : 33.500 à 31.400 AEC
MIS 3 (7/9)
CLIMAT
S’étendant sur 7000 ans, la période étudiée dans cette carte et dans la suivante fut une suite de réchauffements qui durèrent quelques siècles et qui furent entrecoupés de refroidissements souvent bien plus longs. Comme toujours, il est difficile de faire coïncider exactement les dates calendaires déduites des carottes glaciaires du Groenland, avec les données sédimentaires – issues des travaux géologiques et archéologiques – qui sont chronologiquement beaucoup plus grossières mais qui révèlent l’impact réel des changements climatiques sur les faunes et les flores. Dans l’attente d’un consensus solide, on peut toutefois se ranger au système suivant qui structure la période des cartes O et P en trois réchauffements principaux appelés interstades de Les-Cottés, d’Arcy-Denekamp et de Maisières ; qui sont eux-mêmes des constructions climatiques complexes. La carte O explore les deux premiers de ces trois réchauffements ainsi que la période froide qui les divisa :
- L’interstade de Les-Cottés pourrait correspondre au GI-8. Si l’on néglige l’existence d’un refroidissement interne qui dura deux siècles, cette période s’étendit de v. 36.200 à 34.600 AEC. On situera vers – 30 mètres le niveau des océans.
- Un refroidissement inter Les-Cottés / Denekamp dura environ 1100 ans entre v. 34.600 et 33.500 AEC. Le climat était sec, mais pas extrêmement rigoureux ; avec peut-être un niveau des mers aux alentours de – 40 mètres ? Laissant toujours la Béringie sous les eaux. Le froid fut cependant assez marqué pour que l’île de Sakhaline se rattache ponctuellement à l’Asie ; mais pas encore à Hokkaido qui ne le sera que v. 24.000 AEC.
- L’interstade de Denekamp est considéré comme l’équivalant centre-européen de l’interstade d’Arcy des publications françaises. Il pourrait correspondre aux GI-7 et GI-6 ; ce qui permet de diviser l’interstade d’Arcy-Denekamp en deux parties entrecoupées par un refroidissement qui dura 1000 ans : le Denekamp-1 / Denekamp-ancien – qui se serait étendu de v. 33.500 à 32.700 AEC – et le Denekamp-2 / Denekamp-récent, qui se serait étendu entre v. 31.700 et 31.400 AEC. Comme lors du GI-8, on peut supposer un niveau des mers autour de – 30 mètres.
Les interstades de Les-Cottés et de Denekamp furent moins chaud que l’Hengelo, mais permirent quand-même la vie humaine jusqu’à des latitudes assez élevées, pour les raisons que nous avons déjà évoquées : meilleure adaptation technologique et meilleure adaptation biologique hérités des métissages avec les Humains archaïques. Beaucoup de régions d’Europe étaient encore recouvertes de forêts entrecoupées de prairies.
En Afrique, l’humide Ndjilien se poursuivait.
Nous avons vu que le peuplement de l’Eurasie avait beaucoup évolué au cours de l’interstade de Hengelo [cf. carte N]. De nombreux haplogroupes ADN-Y étaient désormais éclatés en des lieux géographiques très distants, où ils se télescopaient avec d’autres haplogroupes ADN-Y qui avaient eux-aussi géographiquement éclaté à des époques plus anciennes. Pour cette raison, il devient difficile de continuer à descendre le fleuve du temps en suivant uniquement la logique haplogroupale. C’est pourquoi, sans renoncer à décliner la diversification et la localisation des haplogroupes ADN-Y qui sont notre meilleur repère géographique et chronologique pour reconstituer l’histoire d’avant l’histoire, nous les envisagerons désormais au travers d’un découpage de l’Eurasie en plusieurs grandes régions : Asie Sud-Orientale (Inde, Indochine, Sunda, Sahul), Asie Extrême-Orientale (Chine, Corée, Japon, Mandchourie, Mongolie) ; Asie Septentrionale (Asie Centrale, Sibérie Occidentale, Steppes, Altaï, Baïkalie, Sibérie Orientale) ; Asie Occidentale (Moyen-Orient, Proche-Orient, Anatolie, Arabie) ; Europe Centrale et Occidentale, Europe Orientale.
De même, l’Afrique sera séparée en Afrique du Nord (côtes et Sahara), en Afrique Tropicale (massif Ethiopien, bande sahélienne, forêt pluviale) et en Afrique du Sud (Sud de la forêt pluviale).
AFRIQUE
Afrique du Nord
- En Afrique du Nord occidentale et dans le Sahara de l’humide Ndjilien, l’Atérien se prolongeait. Dans ces régions, le peuple *Atérien portait probablement majoritairement l’haplogroupe A1b-M13, mais aussi l’haplogroupe A1a* subsistant de la toute première colonisation moderne de la région ? Ces peuples étaient MSA.
- En Afrique du Nord Orientale, les populations de culture Dabbéenne réalisaient possiblement un groupe *Aurignacien-Méridional porteur de l’haplogroupe C1a2, comme les *Aurignaciens d’Europe. Ces peuples étaient engagés dans le Paléolithique supérieur.
Afrique Tropicale
- L’Afrique tropicale était désormais convertie au LSA, à l’exception probable de l’Ouest atlantique. Les peuples *Proto-Pygmées de la forêt devaient exprimer préférentiellement les haplogroupes B2b, mais aussi B1 et A1a.
- Dans la bande sahélienne – qui, sauf peut-être à l’Est, n’était probablement pas encore atteinte par les peuples d’haplogroupe E – les tribus devaient exprimer les haplogroupes B2a, B1 et A1a. Ces peuples étaient de même origine *Etéo-Africaine que les Pygmées.
- Dans le massif éthiopien et sur ses marges vivaient les peuples *Rétro-Africains d’haplogroupe E, probablement déjà bien ramifiés en de nombreux variants.
- En Afrique de l’Ouest vivaient des tribus A1a en compagnie des porteurs des vieux haplogroupes A00 et A0. Enfin, d’autres tribus A1a devaient vivre au Sud-Ouest de la grande forêt. Collectivement, nous avons appelé *Lupembiens ces peuples atlantiques attardés dans le MSA.
Afrique du Sud
Les *Proto-Khoisans – parfois appelés Capoïdes – étaient déjà en place avec les haplogroupes A1b-M51 et A1b1a.
EURASIE
Un peu plus de 10.000 ans avant l’époque à laquelle nous sommes parvenus, le Paléolithique Supérieur Initial (PSI) / ‘’mode 4’’ avait fait son apparition en Eurasie au cours de l’interstade de Glinde [cf. carte K]. Nous avons vu que cet évènement avait mis fin à une très longue période de régression technologique des Hommes modernes qui étaient curieusement redevenus moustériens / ‘’mode 3’’ après que leurs ancêtres aient quitté le continent africain en possession d’une industrie déjà plus moderne [cf. cartes A à J]. Le PSI – dont les outils emblématiques étaient de grandes lames de pierre – s’était ensuite répandu sur les trois routes classiques de peuplement de l’Eurasie : la ‘’voie du Sud’’, la ‘’voie du Nord’’ et la ‘’voie de l’Ouest’’. A l’époque de Les-Cottés et de Denekamp, ce PSI demeurait une réalité toujours bien vivante à l’extrémité de ces routes, particulièrement en Europe et en Asie Orientale [cf. ci-dessous].
A la même époque, la production occasionnelle de pièces microlithiques était pourtant déjà une réalité ancienne sur le continent originel où elle avait couronné une évolution progressivement régulière des technologies lithiques. Mais du côté eurasien du Monde, c’est seulement v. 36.000 AEC, au début de l’interstade de Les-Cottés, que des pièces lithiques de petite taille commencèrent à être produites. Précisons à ce propos qu’il n’existe pas de consensus sur les débuts de la miniaturisation en Eurasie. En effet, certains chercheurs utilisent le terme ‘’microlithe’’ pour désigner ces outils anciens de petite taille, tandis que d’autres les appellent plutôt ‘’lamelles’’ ou ‘’microlames’’ (bladlets) en faisant remarquer qu’il s’agit simplement de petites lames amincies qui – à la différence des véritables microlithes géométriques qui apparaitront 10 à 15.000 ans plus tard [cf. carte R] – n’étaient pas standardisées pour pouvoir être insérées dans des armatures structurant des outils complexes332. Nous suivrons ces derniers et parlerons plutôt de ‘’lamelles’’ ou de ‘’microlames’’ pour décrire ces outils qu’il faut considérer comme un jalon significatif sur le chemin d’un véritable microlithisme accompli. Au total, cette industrie sera qualifiée de Paléolithique Supérieur Moyen (PSM) / ‘’mode 4-(5)’’ sur les cartes de l’atlas ; et nous indiquerons ces sites PSM avec des points de même couleurs que les futurs sites microlithiques de ‘’mode 5’’.
Concrètement, les assemblages d’outils PSM associaient des éclats grossiers hérités des temps anciens, à des lames et à des lamelles bifaciales dont certaines pouvaient désormais être de petite taille. Les lames et les lamelles étaient généralement débitées à partir de nuclei prismatiques dont le façonnage demeura longtemps caractéristique des régions occidentales du vieux Monde. Considérant que ces mêmes techniques PSM seront connues en même temps aux Indes (Sud-Est), en Asie Centrale (Nord) et en Anatolie Orientale / Nord-Levant (Ouest) aux alentours de 33.000 AEC, cela désigne une fois de plus la région du ‘’hub’’ moyen-oriental comme lieu d’origine central d’une évolution technologique majeure. En effet, il faut déduire de ces observations que le PSM eurasien diffusa en suivant les trois voies naturelles de migration qui furent réactivées vers 35.000 AEC (interstade de Les-Cottés) puis de nouveau vers 31.000 AEC (interstade de Denekamp), comme elles le furent pendant longtemps lors de chaque embellie climatique. Sur la carte O, la ligne jaune en petits pointillés et la ligne jaune en grands pointillés représentent respectivement l’extension supposée du PSM à la fin de ces deux époques interstadiales.
La diversification des haplogroupes ADN-Y dans l’espace et dans le temps nous conduit à proposer que la diffusion du PSM résulta davantage de mouvements de peuples – et donc de ruptures ethnoculturelles – que d’une évolution progressive sur place. Ce n’est pas la première fois que nous nous posons cette question d’une série de ruptures technologiques en Eurasie ; ruptures à chaque fois associées à des vagues majeures de colonisations parties du ‘’hub’’ dans les trois directions naturelles de peuplement du continent. Pour clore cette introduction au chapitre de l’Eurasie, précisons dès à présent que : 1) sur la ‘’voie du Sud(Est)’’ (Indes), les peuples K2a*(O), K2c, K2d, P*, P1*, P2, et K2b1(MS), tous PSI jusque-là, pourraient avoir été culbutés v. 33.000 AEC par les peuples H1 et H3 venus avec la technologie PSM ; 2) sur la ‘’voie du Nord’’ (Asie Centrale), les peuples PSI d’haplogroupe Q pourraient avoir été remplacés v. 33.000 AEC, par leur proches cousins PSM P1*(non-Q, non-R) ; 3) enfin, sur la ‘’voie de l’Ouest’’ (Anatolie Orientale / Nord-Levant), les peuples PSI K2a* et C1a2, furent probablement remplacés par des peuples IJ*, I et J qui apportaient eux aussi les technologies PSM. Dans tous les cas, il s’est bien agi de ruptures ethnolinguistiques et non de continuités ! Et il faut donc se demander si ces ruptures pourraient avoir eu pour moteur des outils et des armes plus efficaces ? S’agissait-il de l’invention du propulseur qui rendait les sagaies obsolètes ? En tout cas, le PSM n’aurait pas pu se répandre en Eurasie s’il n’avait pas contenu quelque chose de plus efficace que le PSI !
Asie Sud-Orientale (Inde, Indochine, Sunda, Sahul)
- Les peuples *Paléo-Asiatiques-Méridionaux d’haplogroupe DE* / D conservaient probablement les domaines qu’ils occupaient déjà à l’Hengelo : Andamanais (haplogroupes DE* et D*), *Paléo-Philippins (haplogroupes DE* et D2), et *Paléo-Australien (haplogroupes potentiels mais non attestés DE* et peut-être *D* ?).
- Les peuples Déné-Caucasiens étaient désormais résiduels aux Indes où ils ne se maintenaient peut-être déjà plus qu’au Sri-Lanka (haplogroupe C*) et au Népal (haplogroupe C1a2). C’est-à-dire dans des conservatoires insulaires et montagnards où les cartes cesseront progressivement de les représenter sans que leur lignée ait pour autant cessé de se maintenir faiblement jusqu’à nous. En revanche les populations *Proto-Australiennes, majoritairement C1b2, mais également C1b1 peuplaient probablement tout le Sunda et l’île de Sulawesi, après avoir probablement acquis le morphotype Australoïde en se métissant avec les populations indigènes. Bien que dotés d’une industrie peu moderne faite de gros éclats (FLK), ces peuples exprimaient un comportement moderne si on leur attribue les peintures figuratives animales découvertes à Sulawesi (site de Maros) ; de telle manière qu’on pourrait être tenté de leur attribuer une culture *quasi paléolithique supérieure (QPS).
- De la même façon que les peuples D et C, les peuples F1 et F3 des Indes pourraient déjà, eux aussi, avoir été marginalisés au Népal et dans le Deccan où ils avaient été repoussés par les nouveaux peuples issus de K2. Leurs frères F2 d’Asie du Sud-Est – identifiés ici sous le nom de *Néo-Déné-Nostratiques – s’étaient peut-être avancé jusqu’au bout de la péninsule malaise ? Dans ce cas, il faudrait leur attribuer le site de Kota Tampan et son industrie primitive de ‘’mode 1-2-3’’ faite de galets cassés, de bifaces imparfaits et de gros éclats. Non loin de là, sur l’isthme de Kra, le site de Lang Rongrien (couche 8) livre lui aussi des galets cassés et des gros éclats, dont certains évoquent des lames ; cette industrie est difficile à classer, mais ne peut pas être assimilée au Paléolithique Supérieur d’Eurasie, ni même au *Quasi Paléolithique Supérieur (QPS) du Sahul où les preuves de la pensée moderne sont nombreuses en dépit d’une industrie lithique différente du Paléolithique Supérieur ‘’traditionnel’’ d’Eurasie.
Des groupes K2a*(O), K2c et K2d avaient peut-être peuplé toute l’Inde gangétique au cours de l’Hengelo. En référence aux haplogroupes qu’il contenait en germes, nous avons associé K2a*(O) à un ensemble ethnolinguistique dit *Proto-Austrique ; ensemble auxquels les haplogroupes mineurs K2c et K2d doivent être rattachés pro forma. C’est potentiellement au cours des interstades de Les-Cottés et de Denekamp que le groupe *Proto-Austrique se porta vers l’Est, venant recouvrir les provinces indochinoises précédemment occupées par des tribus F2 et F4. Les peuples *Proto-Austriques accomplirent-ils ce mouvement sous la pression des peuples *Proto-Papouasiens K2b(MS) qui avaient quitté le voisinage du ‘’hub’’ après eux et qui les remplacèrent peut-être dès l’interstade de Les-Cottés au Bengale et en Birmanie333 ? Ainsi, v. 35.000 AEC, les K2c et les K2d se portèrent peut-être en Thaïlande, tandis que les K2a*(O) s’installaient au Nord de l’Indochine. C’est possiblement dans cette région que, v. 35.000 AEC, K2a*(O) donna naissance à son variant majeur, l’haplogroupe O, qui, jusqu’à nos jours, est demeuré fortement associé aux peuples de langues Austriques qui se sont ensuite divisées en quatre grandes sous-familles appelées Austroasiatique (Mon-Khmer, Munda), Hmong-Mien / Miao-Yao, Taï-Kadaï / Daïque (Thaï, Kra, Kam-Sui), et Austronésien (Formosan, Malayo-Polynésien, Malgache) [cf. atlas n°4]. Puis rapidement, peut-être v. 33.000 AEC, l’haplogroupe O se divisa en ses deux grands variants, O1 et O2 (= ex O3)334. Au seuil de la Chine du Sud, les tribus O2 devaient se trouver davantage à l’intérieur des terres que les tribus O1, qui étaient plutôt situées en position littorale.
Derrière les peuples K2a*(O), K2c et K2d, des peuples K2b orientaux porteurs des haplogroupes K2b1 (= MS) et K2b2 (= P*, P1*, P2), devaient nécessairement être installés en Inde ; ils étaient en transit pour les régions du Sahul et du Sunda où leurs descendants patrilinéaires – mêlés aux indigènes déjà très mélangés – seront à l’origine des Papouasiens. Malgré leur type physique Australoïde – hérité des métissages locaux – ceux-ci conserveront bien entendu leurs haplogroupes patrilinéaires ADN-Y, fortement apparentés aux haplogroupes ‘’occidentaux’’. Leur langue, originellement eurasiatique, finira par devenir méconnaissable.
Enfin, c’est peut-être lors de l’interstade de Denekamp, v. 33.000 AEC, qu’il faut situer l’installation des porteurs de l’haplogroupe H335 en Inde. Nous avons fait apparaitre les variants H1 (L902/M3061), H2 (P96)336 et H3 (Z5857) au Hormozgân, lors du stade de Huneborg, v. 37.000 AEC. Ce sont H1 et H3 qui partirent vers les Indes, tandis que H2 restera en Iran et aura un destin occidental337. On retrouve une fois de plus la dichotomisation Est / Ouest des variants d’un haplogroupe apparu dans le ‘’hub’’ moyen-oriental. Il est probable que H1 et H3 étaient déjà divisés lorsque leurs porteurs entamèrent leur voyage vers l’Est, car H3 existe toujours à Bahreïn, c’est-à-dire au voisinage immédiat de la région d’origine du groupe H. Nous avons appelé *Nostratique-2-Oriental ce groupe ethnolinguistique ancien. Aux Indes, H1 se divisera plus tard en H1a et H1b, tandis que H3 se divisera en H3a et H3b. Cependant, nos connaissances sur la diversité de l’haplogroupe H sont encore trop limitées pour nous inciter à spéculer plus avant sur l’histoire de ces variants ; raison pour laquelle les cartes n’indiquent que les formes racines de H. Comme cela a été avancé en tête de chapitre, on peut faire l’hypothèse que ce mouvement des peuples d’haplogroupe H introduisit des innovations culturelles en Inde. En effet, v. 33.000 AEC on commence à repérer des microlames aux Indes ; et cela depuis le Pakistan (site de Shangao) jusqu’au Deccan (site de Jwalapuram), mais en épargnant encore Ceylan pour un temps.
Asie Extrême-Orientale (Chine, Corée, Japon, Mandchourie, Mongolie)
Arrivé en Mongolie extérieure v. 42.000 AEC, le ‘’mode 4’’ était apparu v. 41.000 à 40.000 AEC en Mongolie intérieure et en en Mandchourie [cf. cartes M & N]. En Mongolie, des haplogroupes C2* pourraient avoir été majoritaires, tandis que l’haplogroupe C2b devait être présent en Mandchourie. Des sites PSI comme celui de Tolbaga (Mongolie) ont livré des objets ‘’artistiques’’338.
Plus au Sud, c’est peut-être en relation avec le refroidissement du stade de Huneborg, v. 37.000 à 36.000 AEC, que le Paléolithique Supérieur Initial (PSI) de ‘’mode 4’’ s’installa en Chine du Nord et en Corée, mais s’arrêta dans l’interfluve des fleuves Jaune et Bleu, sur la frontière du 33° parallèle qui coupa pendant longtemps la Chine en deux moitiés ethnoculturelles et linguistiques très différentes. Nous postulons que ces colonisateurs septentrionaux pourraient avoir respectivement porté les haplogroupes C2c et C2a. En Chine du Nord, les populations C2c étaient les ancêtres patrilinéaires directs d’une partie des Chinois Han ; ces gens parlaient probablement une langue Déné-Caucasienne Orientale / *Déné-Ienisseïo-Sinitique, ancêtre direct principal du Chinois Han moderne. En Chine du Nord du Denekamp, on relève des sépultures et l’utilisation de l’ocre (site de Zhoukoudian supérieur), ainsi que des pendentifs en dents perforées et une utilisation des aiguilles (site de Xiaogushan) ; le tout attestant éloquemment un comportement moderne. Une analyse minutieuse d’un crane de Zhoukoudian supérieur a révélé un morphotype Mongoloïde qui apparait bien différents du morphotype des populations Australoïdes auxquelles les Aïnous d’aujourd’hui se rattachent encore. On voit là les vestiges de deux populations différentes.
En Chine du Nord, les nouveaux-venus rencontrèrent les peuples *Paléo-Asiatiques-Septentrionaux d’haplogroupe D1a et D1b ; ils les repoussèrent probablement à la fois vers la Chine Centrale, vers les piedmonts du plateau tibétain et vers les îles du Japon. Des groupes *Para-Aïnous D1b demeurèrent cependant présents en Chine du Nord qui constitua longtemps une mosaïque de traditions lithiques qui recouvrait probablement une mosaïque ethnique ; cette persistance du peuple indigène peut être déduite du site de Zhao Zhuang, dont l’industrie perpétuait la tradition des petits éclats (S.FLK), parallèlement à l’industrie PSI des envahisseurs C2. C’est pourquoi, sur les cartes O à Q, les industries de Chine du Nord et de Corée sont à la fois signalées par les inscriptions PSI et S.FLK. Cette situation perdurera jusqu’au second maximum glaciaire (LGM) à l’issue duquel une cristallisation ethnique se sera probablement opérée. En attendant, l’industrie indigène se leptolithisa peu à peu339.
Une industrie S.FLK existait aussi au Japon *Proto-Aïnou que nous pouvons désormais appeler Aïnou (sites d’Hinatabayashi et de Tategahana dans la région des lacs Nojiri) ; cependant, à Tategahana, les petits éclats étaient accompagnés d’outils en os, ce qui constituait une innovation remarquable amorçant un *Quasi Paléolithique Supérieur (QPS) local. Il est difficile de dire si cela fut dû à une innovation interne aux groupes D1b, où s’il faut l’expliquer par le débarquement précoce de populations C2a venues de Corée, qui étaient dotées d’un outillage plus moderne que les D1b avec lesquels ils se seraient mêlés340 ?
Les envahisseurs C2 ne firent pas non plus disparaître les indigènes *Paléo-Tibétains d’haplogroupe D1a. Leur vieille industrie sur éclats persista dans les provinces chinoises montagneuses du Qinghai, du Sichuan et du Yunnan.
Il est difficile de comprendre ce qui se passa en Chine du Sud à cette époque. Si les outils sur gros éclats (FLK) y étaient antérieurement connus et le demeureront encore longtemps, une industrie sur petits éclats (S.FLK) fit son apparition en Chine du Sud à cette époque. Ensuite, la fréquence de ce matériel nouveau augmentera jusqu’au second maximum glaciaire (LGM). Devons-nous interpréter cela comme une conséquence du reflux de populations D1b septentrionales parties vers le Sud sous la pression des nouveaux-venus C2 qui envahissaient le Nord ? A partir de la carte P nous ne mentionnerons plus les tribus D1b des ‘’collines chinoises du Sud’’, bien que celles-ci aient laissé des traces haplogroupales jusqu’à notre époque, en se disséminant parmi les populations O qui allaient bientôt les submerger en provenance du Sud.
La Chine littorale du Nord et du Sud pourrait quant à elle avoir été peuplée par des populations C1a1 que nous avons qualifiées de *Paléo-Ryükyüennes. Si le site de Longquan peut leur être attribué, ces gens manifestaient un comportement moderne (outils en os, alène polie) qui réalisait un *Quasi Paléolithique Supérieur (QPS).
Asie Septentrionale (Asie Centrale, Sibérie Occidentale, steppes, Altaï, Baïkalie, Sibérie Orientale)
Descendants d’un groupe *Déné-Caucasien-Septentrional qui avait anciennement introduit l’haplogroupe C1b en Asie Centrale, des peuples *Proto-Burusho C1b1 s’étaient établis dans les basses vallées du Pamir, des Tien-Shan et de l’Hindou-Kouch où ils avaient peut-être été repoussés par l’intrusion des K2 [cf. carte L] ; Le site de Kara-Kamar pourrait leur être attribué v. 34.000 AEC ? Nous avons dit que le bel interstade d’Hengelo aurait pu les inciter à peupler également les pourtours du bassin du Tarim ? [cf. carte N]. Ces gens utilisaient des outils de ‘’mode 4’’ qualifiés de ‘’aurignacoïde’’ par leurs découvreurs. Ce terme, identique à celui qui est parfois utilisé dans la plaine russe, peut être assimilé à un fourre-tout pratique ; cependant, malgré son imprécision, il décrit très bien ce qui pourrait avoir été une industrie de type C1 (*Proto-Burusho et *Kostenkiens), qui avait effectivement tout lieu d’être proche de l’industrie de type C2 des *Aurignaciens.
C’est peut-être dès l’Hengelo, v. 37.000 AEC, que le variant Q (= K2b2a = **P1a) de l’haplogroupe P1*, se répandit en Asie Centrale et véhicula la première expansion steppique des langues *Eurasiatiques occidentales. Nous avons nommé *Eurasiatique occidental septentrional le sous-groupe ethnolinguistique du peuple Q [cf. carte N]. C’est possiblement lors de l’Interstade de Les-Cottés, v. 35.000 AEC, ou lors du refroidissement qui le sépara du Denekamp, v. 34.000 AEC, que l’haplogroupe Q donna naissance à ses deux grands variants Q1-F903/L472 et Q2-L275, probablement sur le plateau iranien ou en Asie Centrale méridionale ; avec une apparition de Q1 qui pourrait avoir été déterminée par un mouvement migratoire de ses porteurs en direction de la Sibérie341 qui laissa les Q2 en arrière ? Il est indispensable de situer ce mouvement antérieurement à l’expansion du véritable Microlithisme ‘’achevé’’, puisque les peuples Amérindes – porteurs du variant Q1b1 de Q1 – conserveront longtemps une industrie Paléolithique Supérieure Moyenne (PSM) que nous décrivons de ‘’mode 4-(5)’’ sur les cartes. Ensuite, c’est peut-être lors de l’interstade de Denekamp, v. 33.000 AEC, et en Asie Centrale Septentrionale, que l’haplogroupe Q1 se scinda en ses deux variants Q1a-F1096 et Q1b-L56/M346. Plus tard, le variant Q1b1-L53 [cf. carte P] aura un grand destin à l’origine de deux peuples majeurs : le peuple Amérinde parti le premier, et le peuple Eskaléoute qui demeurera longtemps en arrière, dans les steppes asiatiques Très spéculativement, on pourrait attribuer à des Q1b le site de Denisova où l’on a trouvé une aiguille et des pendentifs en dents perforées.
Tandis que les Q1 migraient dans les steppes asiatiques, les Q2342 demeurèrent nécessairement sédentaire sur le plateau iranien, au voisinage des P1*(R) qui contenaient les formes ancestrales de l’haplogroupe R.
A l’Est des peuples d’haplogroupe Q – parce que détachés du ‘’hub’’ avant eux – les peuples *Eurasiatiques orientaux d’haplogroupe N1* occupaient peut-être la vallée de l’Ob et les steppes de l’Angara à partir desquelles ils s’installèrent en Cis-Baïkalie ? Dans la mesure où le Paléolithique Supérieur Moyen (PSM) s’installa dans ces régions, le peuple d’haplogroupe N s’accultura peut-être et se mit à fabriquer des lames plus petites ? En effet, désormais entrés dans l’ère culturelle, les peuples pleinement modernes avaient acquis la possibilité de s’emprunter les uns aux autres du matériel culturel. Mais concernant ce peuple, il faut surtout remarquer que l’haplogroupe N1* eut une longue histoire cryptique entre son apparition v. 40.000 AEC et sa séparation v. 14.000 AEC en haplogroupes N1a-F1206 et N1b-F2930/F2905 [cf. carte V] qui recouvriront un jour toutes la variété des anciennes formes N1* dont l’aire d’extension maximale fut peut-être importante ?
Nous avons vu qu’il existait aussi des formes N* – probablement demeurées en Asie Centrale septentrionale – et des formes N2, peut-être refoulés en Sibérie Occidentale par le mouvement des tribus d’haplogroupe Q. Tous ces peuples N avaient conservé une industrie PSI de ‘’mode 4’’.
Nous ignorons à quelle date remonte la première colonisation du Nord de la Sibérie orientale par les Humains modernes ? Cependant nous proposons de la situer au début de l’interstade de Les-Cottés, date à partir de laquelle il existe des sites très loin dans le Nord (Yakoutie et Tchoutkotka) mais dont l’industrie pauvre est difficile à attribuer à d’autres cultures mieux décrites. En raison de contraintes chronologiques et géographiques, ces pionniers du grand Nord ne pouvaient pas être les ancêtres patrilinéaires Q1b des peuples Amérindes ; ceux-ci étant encore vraisemblablement encore localisés en Sibérie Occidentale selon la dynamique migratoire que nous reconstituons. Nous ferons plutôt l’hypothèse qu’il s’agissait de tribus C*(non-C2), proches parentes des peuples C2 de Mongolie et de Chine du Nord ; lesquels s’étaient autrefois extraits du groupe C* au cours d’un mouvement migratoire qui les avait conduits en Mongolie [cf. carte M]. Seule l’archéogénétique nous permettrait d’avancer en terrain plus solide. Ce peuple pionnier disposait probablement encore d’une industrie PSI, bien que certains chercheurs aient décrit des outils plus évolués, de type PSM.
Enfin, dans les piedmonts de l’Altaï et des monts Saïan, des Néandertaliens – ou plutôt des Quasi-Néandertaliens déjà métissés – créaient peut-être des industries de transitions similaires à celles bien connues d’Europe Occidentale ? [cf. ci-dessous]. Cela n’est que spéculatif, mais il faut prendre en compte que ces régions ont été beaucoup moins explorées que la grande plaine du Nord de l’Europe Occidentale et Centrale. Plus loin encore, des Dénisoviens Septentrionaux subsistaient peut-être encore sur l’autre versant de l’Altaï et en Sibérie Orientale ; mais, à vrai dire, nous n’en savons absolument rien !
Asie Occidentale (Moyen-Orient, Proche-Orient, Anatolie, Arabie)
La région du ‘’hub’’ était celle des peuples *Nostratiques, parvenus à un état de leur évolution ethnolinguistique que nous avons appelé *Nostratique-2 / *Nostratique-Moyen. Précisément, ce terme désigne ceux des descendants des anciens *Nostratiques-1 qui étaient demeurés centraux après le départ sur la ‘’voie du Nord’’ des *Eurasiatiques orientaux K2a*(N) puis des *Eurasiatiques occidentaux septentrionaux + K2b2 / P1*(Q), et le départ sur la ‘’voie du Sud’’ des *Proto-Austriques K2a*(O) puis des *Proto-Papouasiens K2b1 (= MS) + K2b2 (= P*, P1*, P2).
Ces peuples demeurés indigènes de la région du ‘’hub’’ et de sa périphérie immédiate étaient individualisés en plusieurs sous-groupes que nous avons déjà étudiés au travers du reflet que nous renvoie la dynamique d’expansion des haplogroupes ADN-Y :
- Les peuples d’haplogroupe G* vivaient peut-être dans la région centrale du Zagros. Nous les avons appelés *Nostratiques-2-Septentrionaux en référence à la position future de G1 (plateau Iranien et Asie Centrale) et de G2 (Sud-Caucase et Europe), qui n’étaient ni l’un ni l’autre encore apparus à cette époque. La culture PSM locale est appelée Baradostien (BAR).
- Toujours indivis, l’haplogroupe K1(= LT) occupait probablement le Sud de la chaîne des Zagros où il formait un sous-groupe *Nostratique-2-Central. Ces peuples aussi participaient de la culture baradiostienne.
- L’haplogroupe H était déjà diversifié, avec H1 et H3 partis vers l’Est [cf. ci-dessus]. Les porteurs de l’haplogroupe H2 étaient demeurés sur le plateau iranien et des porteurs de H3 au Hormozgân, au Balouchistan et peut être sur les côtes d’Oman ? Ces groupes demeurés en position géographique centrale parmi les peuples d’haplogroupe H, constituaient un ensemble *Nostratique-2-Oriental.
- C’est peut-être à l’époque de Les-Cottés, v. 35.000 AEC, qu’émergèrent les variants I et J de l’haplogroupe IJ que nous avons associé à un sous-groupe *Nostratique-2-Occidental localisé en Basse- et en Haute-Mésopotamie, régions qui pourraient être redevenues temporairement habitables grâce à l’amélioration climatique humide. Il est difficile de leur assigner d’autres positions sachant que l’haplogroupe I portera bientôt l’expansion *Gravettienne en Europe et que l’haplogroupe J liera un jour son destin avec l’émergence de l’agriculture proche-orientale [cf. atlas n°4]. Vers 33.000 AEC, c’est peut-être une première expansion des peuples J ou IJ* qui fut à l’origine de la culture Antélienne (ANT) au Nord-Levant (v. 33.000 à 19.000 AEC), et avec elle d’une première ébauche des technologies microlithiques et une base ancestrale du futur Gravettien. Malgré l’intrusion de cette nouvelle culture, l’Ahmarien récent (AHM) ou Aurignacien du Levant (AUR) – qui était peut-être portée par des individus C1a2 – demeura cependant en place au Sud-Levant (site de Manot). Certains auteurs ont avancé que l’Aurignacien du Levant provint d’une rétromigration depuis l’Europe ; mais cette culture doit plutôt être comprise comme la queue de l’expansion C1a2.
- En Anatolie, l’haplogroupe C1a2 était toujours présent et le restera au moins jusqu’au Néolithique à l’intérieur de la péninsule. Peut-être était-il alors accompagné de K2a* occidentaux résiduels ?
Europe Centrale et Occidentale
Le matériel Aurignacien ‘’classique’’ (AUR) était apparu en Europe v. 38.000 AEC, à la fin de l’interstade d’Hengelo ou au début du stade d’Huneborg, probablement via le Bosphore et les Balkans [cf. carte N]. Mais l’Aurignacien classique sera surtout la culture dominante de l’Europe Centrale et Occidentale au cours des interstades de Les-Cotés et de Denekamp, ainsi qu’au cours du refroidissement qui suivra ; c’est-à-dire entre 36.000 et 30.000 AEC. Il pourrait avoir été porté par un peuple majoritairement C1a2.
Une fois entrés en Europe, les *Aurignaciens ‘’classiques’’ ne suivirent pas la voie méditerranéenne qu’avaient suivie leurs devanciers *Proto-Aurignaciens ; peut-être parce que ceux-ci ne se laissaient pas aussi facilement déloger que les Hommes archaïques ? Les *Aurignaciens pénétrèrent à l’intérieur du continent en empruntant la voie du Danube, l’autre grand boulevard traditionnel des invasions de l’Europe. Leurs groupes d’Europe Centrale (Haut-Danube) furent à l’origine du plus ancien foyer connu de l’art aurignacien, c’est-à-dire du plus ancien foyer de l’art européen dans son ensemble ! Chacun peut aisément constater que les *Aurignaciens développèrent un art de grande qualité, même si ce que nous appelons ainsi n’était pas de ‘’l’art pour l’art’’, mais plus probablement un exercice spirituel avant toute autre considération. En France, la grotte Chauvet – dont les datations ont récemment été consolidées entre v. 36.000 et 31.000 AEC – offre un témoignage éclatant du niveau de maitrise pictural atteint par les *Aurignaciens. Outre l’art et les inhumations qui sont deux témoignages des capacités d’abstraction, les communautés aurignaciennes se distinguaient également de leurs devancières moustériennes (et des communautés de ‘’transition’’) par une façon différence d’occuper l’espace ; en effet, les *Aurignaciens utilisaient parfois des pierres de provenance lointaine, ce qui nous permet d’imaginer des territoires tribaux plus étendus qu’au Paléolithique moyen, voire des échanges commerciaux entre groupes voisins. Malheureusement, les vestiges aurignaciens d’Europe Centrale furent très malmenés par le froid intense du second maximum glaciaire (LGM). Ce qui en reste est cependant suffisant pour reconnaître plusieurs clusters culturels qui pourraient être la marque de groupements tribaux : 1) Haut-Danube ; 2) Moyen-Danube ; 3) Bas-Danube ; 4) Moravie + Slovaquie occidentale + Haute-Silésie ; 5) Slovaquie orientale + Haute-Tisza + Petite-Pologne ; 6) Alpes de Transylvanie ; 7) Balkans (ex-Yougoslavie, Bulgarie). A l’Est des Carpates, l’Aurignacien typique sera plus récent [cf. carte P].
Au bout de la voie du Danube, certaines tribus *Aurignaciennes contournèrent le massif alpin par le Nord et débouchèrent en France Orientale, depuis laquelle elles gagnèrent l’Aquitaine et la Catalogne au cours de l’interstade de Les-Cottés, c’est-à-dire v. 35.000 AEC. Ce mouvement fut vraisemblablement à l’origine de ce qui a été appelé ‘’Aurignacien occidental’’ (Ouest de la vallée du Rhône, Sud du Massif Central, Sud-Ouest de la France) ; tandis que l’origine de l’Aurignacien oriental (Sud-Est de la France, Italie) serait à rechercher sur une route passant au Sud des Alpes ? Dans sa globalité, nonobstant ces deux courants qui se rejoignirent en France, l’Europe Occidentale constitua un second foyer d’art aurignacien, plus tardif que celui d’Europe Centrale.
Après une pause vraisemblable de leur expansion septentrionale au cours du refroidissement inter Les-Cottés / Denekamp, les *Aurignaciens reprirent leur expansion vers le Nord au début de l’interstade de Denekamp, v. 33.000 AEC. C’est ainsi que du matériel Aurignacien est observé en Angleterre à l’époque de Denekamp, ce qui a dû contribuer à la disparition progressive du Lincombien, la forme occidentale du complexe LRJ [cf. ci-dessous]. Cet Aurignacien d’Angleterre est pauvre et atypique, témoignage probable d’une assimilation à l’œuvre des populations primitives locales ?
En Europe, les *Aurignaciens se superposèrent et s’amalgamèrent aux *Proto-Aurignaciens, qui portaient peut-être également l’haplogroupe C1a2 mais accompagné de CT* et de F*343 ? Dans certaines régions, particulièrement méditerranéennes, la culture Proto-Aurignacienne (P-AUR) se maintint parallèlement à la diffusion de l’Aurignacien (AUR), ce dont il faut probablement déduire que le paysage ethnique de l’Europe du Denekamp était inhomogène. Ce n’est donc que par simplification que la carte O affilie les deux cultures à un seul et même groupe ethnolinguistique appelé *Aurignacien et dont nous faisons un membre de la superfamille Déné-Caucasienne basée sur l’haplogroupe C. Ce sont ces gens qui sont classiquement appelés ‘’Hommes de Cro-Magnon’’.
La poussée septentrionale des Européens pleinement modernes repoussa le front de rencontre vers le Nord. Ainsi, les cultures de transition [cf. cartes M & N] connues sous le nom de Bohunicien (Moldavie), Jankovichien (Moyen-Danube), Altmühlien (Allemagne) et Uluzzien (Italie) disparurent probablement v. 36.000 AEC, au début de l’époque de Les-Cottés. Les *Uluzziens de Grèce avaient été envahis par les *Proto-Aurignaciens ou par les *Aurignaciens v. 38.000 AEC (matériel mal connu) [cf. carte N] ; ceux d’Italie furent envahis par les *Proto-Aurignaciens v. 36.000 AEC, puis eux-mêmes furent recouvert par les *Aurignaciens v. 33.000 AEC. Les rares individus A1b-M13 de la Sardaigne contemporaine pourraient être les descendants patrilinéaires des *Uluzziens d’Italie ou plus précisément de la composante moderne de ce peuple ‘’de transition’’ qu’il faut comprendre comme ayant été une mosaïque ethnique néandertalienne et moderne en cours d’amalgame (phénomène de ‘’première vague’’ coloniale).
La plus orientale des cultures de transition d’Europe Centrale, le Szélétien, réussit à se maintenir en Silésie et en Moldavie jusqu’à la fin de l’interstade de Denekamp ; mais son industrie se leptolithisa, ce dont il faut déduire une intensification des relations avec les Hommes modernes, y compris en matière de flux génique qui diluait progressivement la proportion d’ADN Néandertalien dans la population *Szélétienne. En France, le Châtelperronien disparut quant à lui au cours du Denekamp, mais une forme tardive de cette culture se prolongea jusque v. 30.000 AEC au Nord-Ouest du pays, sous la forme d’un Châtelperronien atypique. Faut-il interpréter cela comme la conséquence d’un mouvement de refuge vers des terres moins hospitalières pour se soustraire à la pression des envahisseurs ?
Enfin, tandis que les cultures de transitions disparaissaient d’Europe Centrale et Méridionale au cours de l’interstade de Les-Cottés, de nouvelles cultures de transitions à pointes foliacées apparurent et se développèrent plus loin au Nord, dans la grande plaine qui s’étendait entre la Pologne et l’Angleterre. Comme nous venons d’en faire l’hypothèse à propos du Châtelperronien, cela résultat probablement du déplacement vers le Nord du front de rencontre entre les Hommes pleinement modernes et ceux qui n’étaient déjà plus vraiment des Néandertaliens, mais plutôt des Hommes en train de devenir modernes en dépit d’une proportion de gènes Néandertaliens qui restait encore importante. On regroupe ces nouvelles cultures de transition du Nord sous le nom de complexe Lincombien-Ranisien-Jerzmanowicien (LRJ)344. Les trois sites éponymes (Lincombe, Ranis et Jerzmanowice) étaient proches du front de rencontre tel qu’on peut le reconstituer en remarquant les faibles distances qui les séparent des sites aurignaciens situés légèrement plus au Sud345 ; ce fait est un argument qui s’accorde avec l’hypothèse d’une nature hybride du complexe LRJ. En poussant l’hypothèse, nonobstant leur probable fort degré de métissage avec les Néandertaliens, les haplogroupes patrilinéaires de ces peuples pourraient avoir été modernes, à base A1a*, A1b-M13 et BT*, c’est-à-dire anciennement *Paléo-Levantine. Si de tels haplogroupes étaient, un jour, génétiquement confirmés dans le matériel Lincombien, cela expliquerait la filiation patrilinéaire des rares écossais et irlandais qui portent aujourd’hui les haplogroupes A1a* et A1b-M13. Toutes ces cultures de transitions (Centre européennes anciennes et Nord-européennes plus récentes) ne connaissaient pas l’art. Au cours de l’interstade de Maisières, le complexe LRJ d’Europe du Nord entrera dans une phase évoluée qui sera appelée culture à pointes foliacées sur les cartes suivantes.
Dernier vestige encore intact du vieil ‘’empire’’ Néandertalien, la péninsule ibérique centrale et méridionale demeurait encore de culture pleinement moustérienne346. Toutefois, les côtes du golfe de Gascogne, la Catalogne et le pays Valencien étaient convertis à l’Aurignacien. Enfin, bien que cela ne soit pas attesté (érosion LGM ?) il est possible que des Néandertaliens ou des Quasi-Néandertaliens (individus fortement métissés possédant une proportion élevée de gènes néandertaliens) vivaient encore dans les piedmonts des montagnes européennes. Cette hypothèse sera de nouveau évoquée lorsqu’il s’agira d’expliquer le phénomène badegoulien au cours du LGM [cf. carte S].
Europe Orientale
En Moldavie, du matériel Aurignacien typique (AUR) apparut v. 36.000 AEC et continuera d’être observé dans la région jusqu’au début du LGM, quoique sous une forme progressivement altérée. Cela connote peut-être un mouvement de véritables *Aurignaciens qui seraient venus des Balkans et auraient atteints l’Ukraine ? En suivant les hypothèses génétiques formulées dans l’atlas, ce mouvement devait avoir été porté par des individus C1a2 et CT* ?
Près de la mer Noire, des bandes *Aurignaciennes recouvrirent l’ancienne culture de Spitzine (Streletskaya-ancien) à partir de v. 36.000 AEC. Poussant jusque dans la région du Don (sites de Kostenki), elles se mêlèrent aux populations de la culture de streletskaya-ancien que nous avons nommées *Kostenkiennes. C’est ainsi qu’une ‘’influence aurignacienne’’ est décelée à Kostenki‑1 niveau 3. Elle explique très bien les individus C1a2 qui vivront plus tard à Sungir [cf. carte P].
Parallèlement à la colonisation de leurs terres de l’Ouest par les *Aurignaciens, les *Kostenkiens C1b* / C1b1* durent profiter de l’embellie climatique pour s’étendre dans les plaines russo-ukrainiennes que leurs ancêtres avaient peut-être désertées pendant le stade de Huneborg ? En Ukraine, les deux interstades successifs que synthétise la carte O virent l’épanouissement de la culture de Kostenki-Streletskaya récente (K-STR) ou culture de Streletskaya tout court347 (v. 36.000 à 31.000 AEC), qui fut parfaitement contemporaine de la période aurignacienne classique. Cette culture orientale est bien représentée par la phase Streletskaya de Kostenki-12 6, où des chercheurs ont cru reconnaître des éléments ‘’Szélétiens’’ dans lesquels on peut plutôt voir le proche héritage des métissages survenus avec les Néandertaliens locaux au cours de l’Hengelo. Sans qu’il soit besoin de rechercher une filiation supposée avec de véritables groupes *Szélétiens d’Europe Centrale, ce soi-disant Szélétien oriental n’était sans doute que la traduction technologique du fort degré de métissage repéré chez l’individu C1b* de Kostenki-14 [cf. carte N].
Le nord de l’Europe Orientale devait abriter des industries de transitions homologues du complexe LRJ qui s’étendait au Nord de l’Europe Occidentale et Centrale. Mais ceci n’est pas connu. Ici comme ailleurs, les industries de transition du Nord-Est européen devaient être le produit imposé par le front d’hybridation entre les premiers Hommes modernes et les Néandertaliens locaux. Sur le versant oriental des monts Oural, le site Zaozerye est bien évocateur de cette transition entre deux époques, avec ses outils moustériens accompagnés de lames et même de pendentifs ; ce dernier trait pouvant être l’indicateur d’une part prépondérante de l’ADN moderne sur l’ADN archaïque ? C’est cette situation ethnologique qui expliquera les traits Néandertaliens que les anthropologues repèreront au cours de l’interstade de Maisières dans les restes humains du site moderne de Sungir [cf. carte P] ; ce peuple *Sungirien s’étant peut-être cristallisé à partir d’un mélange entre des *Kostenkiens modernes et des tribus semi-modernes septentrionales *Foliacées orientales descendues vers le Sud lors du froid qui succéda au Denekamp ?
Peut-être quelques rares Néandertaliens de ‘’pure souche’’ survivaient-ils encore dans les pays baltes ? Ces régions devaient être fort peu peuplées. Si cela est vrai, ils étaient le pendant des Néandertaliens d’Espagne, à l’autre extrémité de l’Europe. Pour les uns et les autres, le temps était compté.
Notes :
(332) Cette même question a déjà été posée au sujet des premiers microlithes africains que certains considèrent comme des déchets de fabrications ou comme des lames réutilisées ‘’jusqu’au trognon’’, mais sans véritable conception microlithique planifiée [cf. introduction & carte F].Retour
(333) Ces mouvements ne sont pas attestés. Mais on est obligé d’en faire l’hypothèse pour relier des lieux d’origine (‘’hub’’ principal) à des lieux de diversification haplogroupale (‘’hub’’ secondaires).Retour
(334) Nous rappelons que nous utilisons la nomenclature actualisée ISOGG 2018.Retour
(335) ISOGG 2018. M69 correspondait il y a quelques années à l’haplogroupe H. Puis à l’haplogroupe H1, puis désormais à l’haplogroupe H1a.Retour
(336) ISOGG 2018. Les anciennes classifications faisaient de cet H2 un F3. Il faut être vigilant sur cette évolution des dénominations.Retour
(337) Sardaigne, Italie, Roumanie, Ukraine. Mais aussi Arménie et Koweït.Retour
(338) Tête d’ours sculpté à Tolbaga (Mongolie).Retour
(339) En conséquence du flux génique venu des populations modernes C2 (selon l’hypothèse développée dans l’atlas, d’un lien fort entre génétique et cultures aux époques paléolithiques anciennes).Retour
(340) Nous choisissons cependant de faire arriver plus tard les populations C2a au Japon [cf. carte R].Retour
(341) Ce n’est qu’une hypothèse car on ne peut pas exclure un premier développement de Q1 sur le plateau iranien. En effet, si Q1a1 et Q1b1 sont clairement steppiques, Q1a2 et Q1b2 sont aujourd’hui implantés au Moyen-Orient, en Inde et en Europe, ce qui pourrait découler d’une position méridionale initiale. Cependant, cela pourrait également être la conséquence de mouvements steppiques ultérieurs (mouvements Indo-Européens, Turcs et/ou Mongols). Sans certitude, c’est cette seconde hypothèse que nous privilégions.Retour
(342) Bien que mineur, l’haplogroupe Q2 est riche d’enseignements. Ainsi, il est probable que Q2 était toujours en position méridionale lorsqu’il se divisa en Q2a et Q2b puisque des formes de chacun de ces deux variants se retrouvent aujourd’hui à la fois en Occident (Q2a1a, Q2b), en Iran, en Anatolie Orientale et au Proche-Orient (Q2a1a diffusé ensuite en de nombreux lieux par les Phéniciens et les Juifs), au Nord (Q2a1a et Q2b diffusés en Europe Orientale, probablement via le Kazakhstan), et aux Indes (Q2b est présent au Pendjab et au Bengale Oriental). Le variant Q2a1a4 illustre bien la migration de Q2a vers l’Ouest depuis l’Iran, puisqu’il est présent à la fois en Arménie et en Italie. Les attestations de Q2a1a chez les Kéraïtes et chez les Ouïgours de Chine sont peut-être le résultat d’une diffusion tardive par les Nestoriens, qui sera similaire à la diffusion tardive de nombreux haplogroupes ADN-Y apportés en Occident par les Juifs).Retour
(343) Vers 35.000 AEC, des restes humains de la grotte Goyet (Belgique) étaient C1a(2). Mais des individus BT*, CT* et F* étaient également présents en Europe où l’archéogénétique les reconnait.Retour
(344) En passant par l’Allemagne et par le Doggerland. Le Jerzmanowicien est la variante polonaise, le Ranisien la variante germano-doggerlandais et le Lincombien la variante anglaise.Retour
(345) Sur la carte O, on remarque que le site aurignacien atypique de Paviland est situé au Nord de Lincombe. Mais le site Lincombien est plus ancien. Le mouvement Aurignacien est venu recouvrir cette culture v. 33.000 AEC.Retour
(346) Site de La Flécha (Santander) v. 34.000 AEC.Retour
(347) Streletskaya ‘’tout court’’ = Streletskaya-récent.Retour