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H - 1.700.000 à 1.600.000 AEC

Complexe interglaciaire EBURONIEN

MIS 59, MIS 58, MIS 57, MIS 56, MIS 55

 

 

Tu cherches d'où le feu descendit sur la Terre ?
C'est un don de la foudre, universel foyer ! 
Ne vois-tu pas encor tout le ciel flamboyer 
quand des chocs inconnus allument les nuées ? 
Lorsque dans les forêts, par les vents remuées, 
les arbres corps à corps entrechoquent leurs bois,
leurs rameaux échauffés fument, et par endroits, 
jailli du frottement, l'éclair du feu ruisselle. 
Peut-être avons-nous dû la première étincelle 
au hasard spontané de ces brûlants conflits ?
A la cuisson des mets par la flamme assouplis 
le soleil nous guida, lui qui mûrit la grappe 
et de ses traits vainqueurs amollit ce qu'il frappe. 
Les plus puissants esprits, les plus adroites mains 
purent de jour en jour assurer aux Humains, 
grâce au feu nourricier, des ressources nouvelles.

Lucrèce – La Nature des choses – livre V

 

 

Climat

La structure climatique de l’hyper-complexe Eburonien a été décrite précédemment [cf. commentaires de la carte G]. Au complexe Glaciaire éburonien ancien [cf. carte G] succéda un complexe globalement interglaciaire qui fait l’objet de la présente carte et que nous appelons complexe INTERGLACIAIRE ÉBURONIEN.

La périodisation et la chronologie du quaternaire ancien ne font toujours pas l’objet d’un parfait consensus ; et le flou qui en résulte est accentué par l’utilisation de noms régionaux différents pour désigner les mêmes périodes, y compris dans deux pays voisins situés sur un même continent. Il faut dire que les données incontestables manquent encore et qu’il n’est pas toujours aisé de conclure que l’épisode ‘‘x’’ défini par l’étude des couches sédimentaires de la région ‘‘y’‘, correspond exactement à l’épisode ‘‘w’’ défini par une autre méthode dans la région ‘‘z’‘ où le climat n’était pas nécessairement identique ! Il semblerait toutefois que le MIS 59 fut une période assez chaude, voire plus chaude que notre période actuelle ; et il est donc logique de faire commencer avec lui le complexe interglaciaire éburonien.

Comme les précédentes, la carte H compacte en une seule image des épisodes climatiques contrastés puisque, dans son intimité, l’Interglaciaire éburonien regroupa 3 MIS tempérés séparés par 2 MIS froids. Globalement, la carte décrit un épisode de déserts verts qui ne peut pas s’être étendu à la totalité de l’Interglaciaire éburonien mais qui put exister lors des transitions MIS froids / MIS tempérés, à l’image de ce qui s’est produit au début de l’Holocène [cf. atlas n°4]. On peut penser que c’est lors de ces phases humides – peut-être brèves – que les principales migrations ont été accomplies.

 

HUMAINS                                                                             

 

Afrique

C’est lors de l’interglaciaire éburonien – ou peut-être déjà dans le glaciaire précédant, entre les MIS 62 et 60 [cf. carte G] – que des populations d’Afrique de l’Est (Ethiopie, Kenya, Ouganda et Tanzanie) commencèrent à exprimer un nouveau faciès technologique appelé Acheuléen (ACH) / ‘’mode 2’’. Comme l’Oldowayen, cette industrie demeure référencée à l’Âge de Pierre Ancien (Early Stone Age, ESA) lorsqu’on la découvre en Afrique, et sera rattaché au Paléolithique inférieur lorsqu’elle se répandra en Eurasie. La technologie acheuléenne permettait de façonner des outils lithiques appelés ‘‘bifaces’’ et ‘‘hachereaux’’, lesquels étaient d’apparence nettement plus sophistiquée que les simples galets cassés de l’Oldowayen (OLD) ; certains de ces outils présentent notamment une recherche manifeste de la symétrie, voire d’une certaine esthétique de la forme (à nos yeux), ce qui était totalement étranger au ‘‘mode 1’‘. Mais une remarque s’impose : ce n’est pas parce qu’on a accès à des nouvelles technologies qu’on abandonne nécessairement les technologies plus anciennes. Ainsi, l’invention du plastique au début du XX° siècle, ne nous a pas conduit à renoncer aux objets en métal ou en verre, qui, eux-mêmes, n’avaient fait disparaitre ni la poterie ni le travail du bois ! Pareillement, lorsqu’on trouve des objets de ‘‘mode 1’‘ sur des sites de ‘‘mode 2’‘, ce constat ne doit pas nécessairement être interprété en termes de coexistence de deux formes humaines parallèles.

La capacité d’entretenir un feu pourrait également avoir été concomitante de ces débuts de l’Acheuléen, bien que les plus anciennes preuves de maitrise du feu remontent seulement à 1.000.000 AEC en Afrique du Sud (Wonderwerk). En Europe, la maitrise du feu sera beaucoup plus tardive et résultera clairement de l’immigration d’Humains africains acheuléens [cf. carte Q].

Dans les deux cas – bifaces et feu – c’est donc l’Afrique qui a été la terre innovante, et elle conservera encore très longtemps ce leadership, tandis que l’Eurasie innovera peu. Peut-on à ce propos parler de ‘‘miracle africain’‘ de la même façon que l’on parlera beaucoup plus tard de ‘‘miracle grec’‘, lorsque l’Homme commencera à renoncer aux explications surnaturelles dans sa tentative de décrypter le Monde ? Moins romantiquement, il convient plutôt d’invoquer le rôle de mutations génétiques à effet cognitif devant tout progrès technologique survenu antérieurement au Paléolithique supérieur, époque où l’innovation et donc la culture deviendront pour la première fois des concepts utilisés à bon escient. Les commentaires de la carte N permettront de compléter cette importante réflexion sur le soubassement génétique des progrès archaïques ; réflexion qui sera par ailleurs poursuivie tout au long de l’atlas n°3.

Assumant l’anticipation anthropologique que cela constitue, nous avons fait le choix d’appeler ‘‘Heidelbergensis anciens’‘ les ‘‘Ergasters récents’‘ ou encore ‘’Erectus africains’’ qui furent les auteurs de l’Acheuléen (ACH). Ainsi, la mutation cognitive que nous pensons à l’origine du ‘’mode 2’’ serait également celle qui fit émerger Heidelbergensis.

Additionnellement, nous ferons l’hypothèse que, si les forêts tropicales non pluviales demeuraient fermées aux individus du stade Ergaster / Erectus – demeurés des êtres purement savanicoles – elles commenceront à être peuplée par les Heidelbergensis (ancien) qui pourraient avoir disposé de meilleures facultés d’adaptation. En conséquence, nous cesserons de délimiter par des pointillés les forêts tropicales non pluviales, dans toutes les régions que nous assignerons à ce nouveau stade humain et à ses successeurs. En revanche, nous les indiquerons encore dans le domaine Erectus.

 

Eurasie

Au cours de cet interglaciaire, il est probable que les Erectus diffusèrent sur toute la partie Nord du sous-continent indien, en descendant des collines de Siwalik qui s’étendent sur 2400 km depuis le Nord du Pakistan jusqu’au golfe du Bengale. La vallée du Gange est mal explorée archéologiquement, car les sites de l’époque éburonienne sont profondément enfouis par l’alluvionnement ; mais c’était une forêt fermée. Plus loin au Sud, il existe des vestiges oldowayens dans la péninsule indienne, mais ils ne sont malheureusement pas datés et sont peut-être plus tardif (glaciaire suivant ?).

Le MIS 59 fut-il suffisamment chaud pour permettre la colonisation durable de l’Asie Centrale par les Erectus ? De là, par les portes de Dzoungarie40, ils auraient facilement pu atteindre le Sud de la Mongolie, avant de commencer à se répandre en Chine avant d’arriver en Asie du Sud-Est ! En l’état actuel des connaissances (2019), cette route septentrionale est hypothétique car elle n’est jalonnée par aucun vestige fiable41. Pourtant, pour atteindre l’Extrême-Orient au cours d’un interglaciaire, la voie du Nord aurait posé moins de problème que la voie du Sud qui nécessitait de traverser successivement les nombreux bras marécageux des Sundarbans, le gigantesque delta du Gange et du Brahmapoutre (à une époque où la navigation était inconnue), puis de franchir l’immense forêt pluviale qui lui faisait suite (où les Humains anciens étaient incapable de subsister) ! Donc, au cours d’un interglaciaire chaud, il était certainement beaucoup plus facile d’atteindre la Chine par la voie du Nord (savanes) que par la voie du Sud ; et cela d’autant plus que – jusqu’au milieu du Pléistocène – l’Asie Centrale n’était pas encore devenue une région désertique. Et pendant les périodes glaciaires ? En théorie, l’obstacle des Sundarbans devrait alors être relativisé car ils se franchissent plus facilement en raison d’un régime fluvial réduit ; cependant, une forêt tropicale fermée barre la voie du Sud pendant ces périodes froides [cf. carte I par exemple]. Au total, et quoi qu’il en soit de nos hypothèses écologiques interglaciaires et glaciaires, il semble bien qu’une ‘’frontière’’ anthropologique exista très longtemps à ce niveau.

 

Notes :

(40) Classique boulevard des migrations, que nous verrons emprunté à de nombreuses reprises entre les deux extrémités de l’Eurasie.Retour

(41) Les outils de ‘‘mode 1’‘ retrouvés en Asie Centrale sont le plus souvent non datés ; par ailleurs, l’importante érosion et l’importante sédimentation d’une grande partie de la région, fait que les éventuels sites de l’époque sont aujourd’hui soit détruits soit profondément enfouis.Retour

Ancre 40
Ancre 41
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© 2019 Thierry d'Amato

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