top of page

 

ET LE MONDE FUT PEUPLÉ ! – Histoire de la Préhistoire

3ère partie – Paléolithiques supérieur et mésolithique

INTRODUCTION

 

Nous marchons dans la voie ouverte par les autres,
D'après leurs sentiments plus que d'après les nôtres.

Lucrèce – La Nature des choses – livre V

 

Faut-il s'étonner tant que, doué d'une voix,
L'homme ait aux sons divers marqué divers emplois,
Selon l'impression dont il fixait l'image?

Lucrèce – La Nature des choses – livre V

 

 

 

Le second volume de l’atlas s’était achevé par la colonisation de l’Afrique par l’Homme moderne. Ce troisième volume détaille la suite de son expansion en Eurasie, en Océanie et au seuil du Nouveau-Monde. Avouons-le clairement : notre reconstitution de la préhistoire humaine est très invasionniste ! Il ne s’agit pas d’une position idéologique mais de la conséquence d’un constat : la répartition mondiale des marqueurs génétiques ADN-Y de nos contemporains, ne peut s’expliquer QUE par les migrations de leurs ancêtres1 ; migrations qu’il faut dater en grande partie du Paléolithique sur la foi des horloges biologiques !

Reconstituer le détail de ces migrations très anciennes nécessite de prendre en compte toutes les données dont nous disposons : les marqueurs génétiques bien sûr, mais aussi la phylogénie linguistique ainsi que les informations contextuelles données par les industries lithiques, par la datation absolue des sites archéologiques et par l’étude des variations climatiques. Il est aisé à bon droit de faire remarquer les insuffisances de chacune de ces sciences dont aucune n’offre – en soi – des précisions suffisantes pour oser se lancer dans une reconstitution continue du passé humain. Cependant, comme des unijambistes qui s’appuieraient les uns sur les autres, elles constituent – ensemble – un cadre très contraint qui limite considérablement le champ des possibles.

Cet atlas est donc un essai : le premier qui ambitionne de retracer en totalité les mouvements des populations humaines paléolithiques, de leurs gènes, de leurs langues et de leurs technologies. Mais avant de détailler ces mouvements au travers d’une série de cartes chronologiques, il convient de nous livrer à plusieurs réflexions qui sont indispensables à la bonne compréhension de la trame historique dont nous proposons la reconstitution.

  

CHRONOLOGIE CLIMATIQUE

 

L’établissement d’une chronologie précise des variations climatiques et une bonne datation des sites archéologiques sont des préalables indispensables à la reconstitution d’une trame historique.

 

Les glaciations

 

Comme les autres volumes de l’atlas, le volume n°3 est aussi une histoire du climat. Précisément, il s’agit de l’histoire de la ‘’dernière glaciation’’. Qu’est-ce qu’une glaciation ? Une longue période très froide, bien sûr ! Mais la vraie réponse est plus complexe que cela car une ‘’glaciation’’ doit globalement être appréhendée comme une suite fractale de ‘’moments’’ plus ou moins longs et plus ou moins froids entrecoupés de ‘’moments’’ plus ou moins longs et plus ou moins chauds.

 

 

Le schéma ci-dessus aidera à comprendre l’emboitement des variations climatiques :

- Au niveau fractal supérieur, se trouve l’ère glaciaire QUATERNAIRE qui commença v. 2.600.000 avant l’ère commune (AEC)et dans laquelle nous vivons toujours [cf. atlas n°2]. Il s’agit d’une étape importante de la vie de notre planète, puisqu’elle est sans équivalent depuis l’ère glaciaire permo-carbonifère qui s’étendit approximativement de 340 à 260 millions d’années avant nous3.

- Notre ère glaciaire quaternaire amalgame une alternance de très longues périodes glaciaires et de très longues périodes interglaciaires dont on a commencé à réaliser l’existence passée dès la première moitié du XIX° siècle. Essentiellement définies sur la base d’observations géologiques, ce sont ces périodes glaciaires qui sont le plus couramment appelés ‘’glaciations’’4 lorsque l’emploi de ce terme n’appelle pas de plus grande précision. Au début du Quaternaire, le rythme des périodes glaciaires et interglaciaires était irrégulier ; mais depuis 900.000 ans, il est devenu beaucoup plus régulier sans que l’on sache parfaitement pourquoi. En effet, depuis cette époque, une glaciation ‘’moyenne’’ dure environ 80 à 90.000 ans avant d’être suivie par un interglaciaire qui dure entre 10 à 20.000 ans et qui précède à son tour la survenue d’une nouvelle glaciation. Ces grandes périodes glaciaires et interglaciaires du Quaternaire constituèrent la toile de fond de la préhistoire des Humains archaïques [cf. atlas n°2]. Puis, la ‘’dernière’’5 glaciation fut le cadre de l’expansion planétaire des Humains modernes et de l’établissement de leurs grands groupes génétiques et ethnolinguistiques ; le présent atlas n°3 couvre exactement la durée de cette ‘’dernière glaciation’’. Dans les publications, elle porte divers noms nationaux qui rappellent les régions où elle a tout d’abord été séparément identifiée : parmi les plus couramment utilisés, on citera les noms de WURM (Alpes), de VALDAI (Russie), de la VISTULE (Europe Centrale), de SARTAN (Sibérie) et de WISCONSIN (Amérique du Nord)6. Lorsque cette ‘’dernière’’ glaciation prit fin, la période interglaciaire qui suivit permit l’émergence de notre civilisation agricole et urbaine [cf. atlas n°4] ; depuis près de 10.000 ans, nous vivons dans cette période interglaciaire appelée HOLOCENE, sans savoir combien de temps elle durera encore, et cela d’autant plus que les incertitudes sur l’intensité et la durée de l’impact anthropique influent sur le calcul des prévisions.

- Au niveau fractal inférieur, chacune de ces très longues périodes glaciaires peut regrouper plusieurs longs épisodes climatiques alternativement froids et chauds appelés Marine Isotope Stage (MIS) ou Oxygen Isotope Stage (OIS) parce que leur étude est basée sur la proportion des isotopes de l’oxygène dans les sédiments marins. Dans l’atlas n°2, nous avons déjà rencontré ces MIS qui portent un numéro pair lorsque la proportion d’oxygène 18 est élevé (i.e. indicateur d’un climat globalement froid) et un numéro impair lorsque la proportion d’oxygène 16 est élevé (i.e. indicateur d’un climat globalement chaud). La ‘’dernière glaciation’’ – définie sur des critères géologiques continentaux – regroupa quatre stades isotopiques marins : la fin du MIS 5 (MIS 5d à 5a, collectivement appelés Primiglaciaire dans cet atlas), le MIS 4 (Premier Pléniglaciaire, au cours duquel le froid fut intense), le MIS 3 (Interpléniglaciaire, au cours duquel le climat fluctua autours d’une moyenne tempérée mais moins chaude que celle de notre époque) et le MIS 2 (regroupant le Second Pléniglaciaire, qui fut encore plus froid que le premier, et le Tardiglaciaire pendant lequel le climat se réchauffa progressivement au travers d’une série d’oscillations). Dans ce système numéroté qui remonte le temps, notre interglaciaire Holocène est le MIS 1. 

- Au niveau fractal sous-jacent, chaque MIS est lui-même finement composé d’une série de grandes oscillations climatiques froides puis chaudes7 qui durent chacune quelques milliers d’années. Les phases froide sont appelées ‘’stades’’, tandis que les phases chaudes qui les séparent sont appelées ‘’interstades’’. Leur rythme est irrégulier et les températures moyennes reconstituées apparaissent souvent différentes d’une oscillation à l’autre. De ce fait, au cours de toutes les glaciations, il a existé des stades très froids et d’autres où le froid était modéré ; de même, certains interstades ont été très chauds, tandis que d’autres étaient au contraire très frais.

- On peut encore descendre d’un cran l’ordonnancement fractal des variations climatiques, car aucune période climatique – longue ou courte – ne fut jamais uniforme tout au long de sa durée. Dans le détail, chacun des ‘’stades’’ et ‘’interstades’’ fut en réalité l’addition de plusieurs petites oscillations froides puis chaudes qui ne durèrent souvent que quelques siècles voire quelques décennies seulement, et dont il arriva que certaines soient très contrastées8.

- Cela ne devrait pas nous étonner. Pour s’en persuader, il suffit de se reporter aux variations climatiques enregistrées dans l’histoire récente bien connue des deux derniers millénaires (cf. le petit âge de glace) ; et plus finement encore, penser aux variations que nos courtes vies nous permettent d’observer : lorsque des hivers glaciaux succèdent à des hivers doux, ou lorsque des étés froids et pluvieux succèdent à des étés secs et caniculaires9. Au plus petit échelon du système fractal, on terminera notre survol de l’instabilité climatique en faisant remarquer que nos saisons trimestrielles compilent elles-mêmes des moments climatiques très divers : d’un jour à l’autre et même d’une heure à l’autre …

 

Chronologie de la dernière glaciation

 

Il serait illusoire d’espérer reconstituer l’histoire des Humains du Paléolithique supérieur si l’on ne pouvait pas établir un cadre chronologique solide. Pendant longtemps, nous avons seulement disposé des chronologies relatives dont il vient d’être question ci-dessus10 et dont la séquence complète n’a jamais cessé de faire l’objet de controverses, parce qu’une oscillation donnée peut avoir laissé des traces très marquées dans un pays, tandis que les traces sont assez discrètes dans un autre et qu’elles sont même totalement absentes dans un troisième pays dont l’histoire climatique et géologique a été différente. Dans une certaine mesure, ce flou perturbateur obscurcit encore les publications modernes. Heureusement, des méthodes de datations isotopiques des sédiments ont fait leur apparition il y a déjà plus de 60 ans, générant un nombre toujours croissant de datations BP (Before Present)11. Malheureusement, ces méthodes comportent des marges d’erreurs importantes qui s’accroissent avec le temps au point de générer des résultats ininterprétables au-delà de 40 à 50.000 ans avant nous ; marges d’erreurs qui accentuent la difficulté à transposer des fourchettes de dates isotopiques en de véritables dates calendaires exprimées en années Avant l’Ere Commune (AEC). Heureusement, les glaciologues ont ramené à la surface de très longues carottes de glace qui nous ont enfin livré la chronologie calendaire détaillée de tous les épisodes chauds et froids survenus depuis le dernier interglaciaire ; et qui nous donnent aussi des précisions quant à leur intensité. En pratique, qu’elles proviennent de forages profonds entrepris en Antarctique12 ou au Groenland, les archives glaciaires se correspondent étroitement ; attestant la fiabilité de la méthode13. Dans cet atlas, c’est la chronologie glaciaire du Groenland qui sera sollicitée pour dater précisément les stades et les interstades de la ‘’dernière glaciation’’ ; ce système est bâti sur l’alternance de périodes froides appelées Greenland Stadial (GS) et de périodes chaudes appelées Greenland Interstadial (GI). Désormais munis de cette chronologie solide et précise, il nous reste encore à la faire étroitement coïncider avec les stades (froids) et les interstades (chauds) traditionnellement repérés par l’étude des sédiments continentaux et marins. Ces interprétations suscitent parfois des reconstructions légèrement différentes d’un auteur à l’autre, mais sans que cela traduise toujours un désaccord fondamental ; en effet, essentiellement en ce qui concerne les époques les plus anciennes, il peut arriver qu’un chercheur fasse commencer un stade donné par un épisode froid qu’il estime significatif, tandis qu’un autre chercheur considérera ce même épisode climatique comme une simple oscillation froide qui faisait encore partie intégrante de l’interstade tempéré précédent. Cela ne doit pas nous étonner : il en va ainsi des nombreux seuils artificiels que notre besoin de classification nous pousse à établir au long de tous les processus continus ou oscillatoires …

Sans prétendre, donc, refléter un consensus qui n’a pas fini de se construire et qui ne pourra l’être qu’en acceptant une part d’arbitraire consenti, l’atlas n°3 propose un cadre chronologique détaillé de tous les épisodes froids et chauds significatifs qui sont survenus entre la fin de l’Eémien (i.e. MIS 5e, le précédent Interglaciaire par lequel se conclut l’atlas n°2) et le début de l’Holocène (i.e. MIS 1, l’Interglaciaire auquel notre siècle appartient et dont l’atlas n°4 retrace les débuts). Chacune des cartes de l’atlas n°3 décrivant aussi précisément que possible la géographie changeante de ces stades et interstades qui sont datés aussi précisément que possible.

 

Routes de migration et climat

 

Dans cet atlas, nous situons l’arrivée des Humains modernes en Eurasie au cours du MIS 5d, c’est-à-dire pendant la première grande offensive du froid qui inaugura la dernière glaciation et qui eut pour effet de réduire la largeur du détroit de Bab-el-Mandeb séparant la corne de l’Afrique du Yémen.

 

 

Sans entrer dans les détails de la reconstitution historique qui sera abordée carte après carte, on avancera simplement ici que, récemment sortis d’Afrique, les premiers Humains modernes du Moyen-Orient n’étaient pas adaptés à un climat froid. C’est pourquoi il est probable qu’ils ne purent tout d’abord migrer qu’en direction de l’Est, en longeant le chaud littoral iranien avant de pénétrer aux Indes puis de déboucher dans la péninsule indochinoise qui était alors prolongée par la vaste étendue du Sunda (réunion au continent asiatique de tout le plateau émergé des îles de la Sonde). Cette route qui conduit en Extrême-Orient est ici qualifiée de ‘’voie du Sud’’. Dans l’atlas n° 2, nous avons vu que cette ‘’voie du Sud’’ peut poser le problème du franchissement de l’immense delta du Gange et du Brahmapoutre (Sundarbans) et de la forêt tropicale qui lui fait suite sur son flanc Est ; toutefois, les Sundarbans disparaissent presque totalement pendant les périodes glaciaires intenses (sécheresse) et peuvent alors être franchis, tandis que l’étendue de la forêt tropicale régresse.

Plus tard, à partir du MIS 3, leur technologie progressant – et peut-être leur adaptation biologique aussi –, il est certain que des Humains modernes d’Eurasie parvinrent à survivre et à prospérer jusqu’à des latitudes élevées qui auraient été fatales à leurs ancêtres africains tropicaux. A partir de cette époque, ils eurent d’une part la possibilité de coloniser l’Europe en empruntant une ‘’voie de l’Ouest’’, et d’autre part la possibilité de se répandre dans tout le système des steppes asiatiques en empruntant une ‘’voie du Nord’’ qui constitua dès lors une route alternative pour atteindre l’Extrême-Orient. Tout cela ne heurte pas la logique : pour aller en Extrême-Orient par voie de terre en partant du Moyen-Orient, il n’existe toujours que deux possibilités : soit contourner le massif tibétain par le Sud, soit le contourner par le Nord. Régulièrement, tout au long de l’atlas n°3, nous invoquerons l’une ou l’autre de ces routes pour expliquer la répartition actuelle des haplogroupes ADN-Y, et nous constaterons souvent qu’elles furent empruntées concomitamment par des peuples de même origine, lors de chacune des pulsations migratoires qui déborderont régulièrement d’un trop-plein humain moyen-oriental. Une quatrième voie de migration – moins arpentée que les autres en raison de la très longue sécheresse glaciaire – fut celle qui, par le littoral arabe, conduisit un groupe humain à retourner précocement en Afrique au début du Premier Maximum Glaciaire. Un tel mouvement de retour sur le continent originel est qualifié de ‘’rétromigration’’ ; le Tardiglaciaire et l’Holocène en connaitront d’autres [cf. atlas n°4].

 

  

MARQUEURS GENETIQUES PROFONDS

 

Notre génome est un système de stockage d’information qui repose sur la molécule d’ADN14. Chez les animaux, l’ADN est organisé en deux ensembles distincts : celui qui est contenu dans le noyau de nos cellules (ADN nucléaire, replié en plusieurs paires de chromosomes) et celui qui est contenu dans les mitochondries de nos cellules (ADN mitochondrial). A chaque génération, un individu hérite de la moitié de l’ADN nucléaire de son père et de la moitié de celui de sa mère, ce dont résulte des caractéristiques physiques et comportementales qui sont un mélange hétérogène de celles de ses deux parents. Au fil des générations, les brassages successifs finissent par être tellement importants, qu’il est mathématiquement possible qu’un aïeul ne laisse AUCUN gène à ses descendants directs à partir de la 15ème génération15. Il y a cependant deux exceptions à cette dilution rapide de notre ADN : l’ADN de nos mitochondries et l’ADN d’une petite portion du chromosome Y se transmettent l’un et l’autre de génération en génération sans jamais être brassés.

Les haplogroupes basés sur l’ADN mitochondrial (ADN-mt)

 

La première exception concerne l’ADN mitochondrial ou ADN-mt, ainsi appelé parce qu’il est celui que contiennent les mitochondries de nos cellules. Parce que seules les mères sont capable de transmettent des mitochondries à leur progéniture16, il en résulte que chacun d’entre nous – que nous soyons homme ou femme – possède des mitochondries qui sont INTEGRALEMENT héritées de notre mère ; et, avant elle, de toute la colonne de ses ancêtres MATRILINEAIRES exclusivement. L’analyse de notre ADN mitochondrial nous renseigne donc in fine sur celui de la mère de la mère de la mère [etc.] de notre mère ; et cela jusqu’à une femme théorique – mais dont l’existence fut pourtant bien réelle – que l’on appelle familièrement ‘’Eve mitochondriale’’17 parce qu’elle fut à l’origine de TOUTES les variantes de l’ADN mitochondrial observées chez la TOTALITE des Humains contemporains des deux sexes. La période à laquelle vivait cette femme – qui est notre aïeule matrilinéaire à TOUS –, varie selon les calculs mais pourrait se situer plus de 150.000 ans avant nous et peut-être bien plus, jusque v. 500.000 ans18. A partir d’elle – dans la mesure où des mutations (i.e. des modifications de séquence) apparaissent de temps à autre sur l’ADN-mt et se transmettent à la descendance –, on peut reconstituer une immense famille humaine matrilinéaire qui se divise en grosses branches principales, puis se ramifie en de nombreuses sous-branches de plus en plus fines ; et cela jusqu’à chacun d’entre nous qui sommes les feuilles de cet arbre gigantesque. Ainsi, lorsque l’on compare deux individus de notre temps, on peut estimer l’époque où vivait leur dernière ancêtre matrilinéaire commune19 ; et si l’on dispose d’informations sur les lieux d’origine des ancêtres récents de ces individus contemporains, on peut essayer de se faire une idée de la région où vivait cette aïeule commune ou les autres femmes qui nous relient à elle20.

Les haplogroupes basés sur l’ADN du chromosome Y (ADN-Y)

 

La seconde exception à la dilution de l’ADN au fil des générations concerne un segment particulier du chromosome Y, dont chacun sait qu’il n’est présent que chez les hommes (mâles). Lors de la fabrication des cellules sexuelles mâles, tout le matériel génétique nucléaire (i.e. non mitochondrial) – organisé en 23 paires de chromosomes21 – subit une ‘’recombinaison’’, c’est-à-dire un intense brassage de l’ADN de chacune des paires, en préalable à une division cellulaire qui réduit de moitié le matériel génétique ; il en résulte la création de deux ‘’demi-cellules’’ (spermatozoïdes) qui – à l’issue d’une relation sexuelle – chercheront à fusionner avec une autre ‘’demi-cellule’’ complémentaire (ovule) afin de créer une nouvelle cellule complète (œuf) ; cette dernière étant à l’origine d’un nouvel individu (enfant). Or, une petite portion du chromosome Y est systématiquement épargnée par le brassage génétique22. Ce sont les variations mutationnelles de cette portion ‘’non recombinante’’ qui constituent ce que l’on appelle des ‘’marqueurs ADN-Y’’ ;  marqueurs qui ne sont donc présents que chez les hommes (mâles) et qui ne peuvent être hérités que de père en fils. Ces marqueurs constituent des HAPLOGROUPES ADN-Y (séries de gènes transmis ensemble). Aujourd’hui, ces haplogroupes ADN-Y sont très diversifiés ; mais lorsqu’on remonte à l’origine patrilinéaire des TOUS les hommes actuels, on converge peu à peu vers un unique homme théorique – dont l’existence fut pourtant bien réelle – que les médias ont appelé ‘’Adam Y’’ et les chercheurs « Plus Récent Ancêtre Commun-Y » (Y-MRCA, Y - Most Recent Common Ancestor). La période à laquelle cet homme vivait varie selon les calculs, mais pourrait avoir été située environ 300.000 avant nous23. Comme dans le cas de l’ADN mitochondrial, les mutations accumulées au fil des générations sur l’ADN-Y de notre ancêtre commun ont tout d’abord défini des grosses branches dans l’arbre généalogique patrilinéaire de l’Humanité ; puis celles-ci se sont ramifiées de plus en plus finement, jusqu’à parvenir à chacun des hommes (mâles) contemporains qui sont comme les feuilles de cet immense arbre. Pour se représenter sa ramure, on peut parfaitement s’appuyer sur le modèle classique d’un arbre généalogique qui serait exclusivement axé sur la lignée patrilinéaire (i.e. le nom de famille)24. L’histoire détaillée de ces ramifications et des mouvements de leurs porteurs constitue précisément le sujet de l’atlas n°3 tout entier.

Cette nouvelle science des haplogroupes ADN-Y est très récente. Elle a surtout décollé à partir de 2005 ; vers 2010, on commençait déjà à avoir une certaine idée de leur répartition mondiale actuelle ; enfin, depuis 2015 environ, grâce au développement de l’archéogénétique – c’est-à-dire via l’ADN conservé dans les os et surtout dans les dents des fossiles –, nous commençons même à appréhender leur répartition à dates anciennes et très anciennes, y compris à dates paléolithiques. On voit que le progrès est très rapide dans ce domaine. Dans l’atlas n°3, les haplogroupes ADN-Y sont identifiés selon la nomenclature ISOGG 2018. Il est important de bien prendre acte de cela car la nomenclature des haplogroupes a rapidement évolué, avec deux changements majeurs survenus au cours des 10 ans écoulés seulement ! Ainsi, un lecteur qui souhaiterait confronter à des travaux scientifiques originaux les données que nous présentons dans l’atlas, pourrait être dérouté en découvrant des haplogroupes ADN-Y dénommés tout autrement ! Et cela, y compris lorsque ces travaux remontent à quelques années seulement ! Si le lecteur en a la patience, il lui faudra alors se rapporter aux tables de conversions retraçant l’évolution progressive du système ISOGG25.

GENETIQUE PSYCHOLOGIQUE EVOLUTIONNISTE 

 

La reconstitution des mouvements humains préhistoriques proposée dans l’atlas n°3 est exclusivement basée sur les haplogroupes ADN‑Y (transmission patrilinéaire) et non pas sur les haplogroupes ADN-mt (transmission matrilinéaire) ; au motif que les premiers sont bien davantage porteurs d’histoire évènementielle que les seconds.

Il convient d’expliquer une affirmation aussi forte. Et cette explication passe tout d’abord par un long préambule qui va nous confronter à l’une des faces les plus sombres de notre Humanité : un aspect de notre nature que les Sciences Humaines et Sociales ont longtemps rejeté26 mais que l’observation de nos proches parents Chimpanzés, la relecture des récits ethnologiques anciens, l’archéologie moderne et un regard détaché sur notre comportement dans le Monde actuel ne nous permettent plus d’ignorer.

 

La guerre est un puissant vecteur de gènes

 

Nous nous représentons parfaitement les comportements meurtriers et cruels que la guerre implique parce que l’histoire ancienne, l’histoire récente et le quotidien médiatique ne nous permettent pas de les ignorer. Mais une fois les grandes émotions et les grands principes philosophiques mis de côté, la guerre peut simplement apparaître comme une lutte organisée entre deux groupes qui cherchent à contrôler les ressources d’un territoire dont chacun des deux estime avoir besoin pour son propre développement égoïste. Ce faisant, chez les Humains modernes comme chez les Chimpanzés, la guerre apparait comme un important arrière-plan du flux génique. Devant l’importance des similitudes que nous allons pointer entre nos deux espèces, il est hautement probable qu’un comportement guerrier de même type caractérisait aussi les Humains archaïques27.

- Chez les Chimpanzés

La conquête de nouveaux territoires et de leurs ressources anime tous les Animaux et même tout le Vivant. Chez la plupart des espèces animales, les luttes se résument à des duels, le plus souvent entre mâles. Mais en dehors de l’Homme, peu d’animaux font la guerre au sens groupal qui vient d’être dit. C’est pourtant le cas des Chimpanzés, c’est-à-dire de l’une des deux espèces dont nous sommes génétiquement les plus proches ; espèce qui partage avec la nôtre la caractéristique que les mâles non seulement se tolèrent entre eux, mais sont également capables d’aller bien plus loin que cela en nouant des alliances centrées sur l’amitié et sur ses à-côtés utilitaires que sont les stratégies de chasse, la conquête des femelles et la conquête ou le maintien d’un pouvoir politique sur le groupe d’appartenance. Il faut souligner que de telles alliances entre mâles sont assez rares chez la plupart des autres Mammifères. Chez les Chimpanzés, les mâles d’un même clan sont philopatriques, c’est-à-dire restent toute leur vie dans leur communauté de naissance ; ce dont il résulte qu’ils sont tous apparentés en lignée patrilinéaire28. Soudés par ces liens de famille et par des camaraderies durables établies depuis l’enfance, ils ont l’habitude de chasser ensemble les Colobes sous la conduite d’un mâle dominant qui leur tient lieu de chef ; chasse qui leur permet de se familiariser avec les stratégies collectives dont ils pourront ensuite profiter en d’autres occasions de la vie. En effet, bien organisés et bien coordonnés, ces mâles veillent à l’intégrité de leur territoire tribal, en patrouillant régulièrement à ses frontières. Au cours de ces rondes, lorsque le risque leur parait acceptable, ils se mettent parfois à explorer la périphérie d’un territoire voisin ; probablement parce qu’ils convoitent les ressources de ce territoire29. Dans cette interface, s’ils se sentent en force, ils attaquent par surprise les mâles étrangers qui commettent l’étourderie mortelle de se déplacer seul dans la banlieue de leur domaine. Tuer les ennemis un par un, en catimini, est la stratégie guerrière la moins risquée et la plus efficace parce que – dans les petites communautés de quelques dizaines d’individus – elle peut faire diminuer assez rapidement les capacités de résistance des voisins, c’est-à-dire des ennemis. Puis, lorsqu’ils se sentent suffisamment en force, les attaquants prennent solidement possession des arbres fruitiers situés sur un secteur donné du territoire du clan adverse, et se préparent à affronter les mâles indigènes qui arrivent alors en groupe pour essayer de les en déloger parce que ces arbres sont indispensables à l’alimentation de leur clan ... Les attaques des intrus en position de force sont violentes, avec l’objectif évident de tuer un maximum d’ennemis et de s’emparer de tout ou partie de leur territoire ; c’est-à-dire de leurs ressources. Avec l’objectif, aussi, de s’emparer de leurs femelles. Car après la bataille, lorsque les mâles adverses sont vaincus, c’est-à-dire morts ou enfuis30, leurs femelles se retrouvent alors au pouvoir des vainqueurs. Impuissantes à les défendre, leurs petits sont souvent tués et dévorés sur le coup, tandis qu’elles sont tabassées et violées ; mais survivent cependant le plus souvent à ces mauvais traitements. Comme elles présentent un intérêt sexuel, les mâles vainqueurs les laissent alors s’intégrer à leur bande, mais cela à un niveau inférieur de la hiérarchie des femelles, parce que les femelles de la bande victorieuse veillent jalousement au maintien de leur rang social. Alors, les femelles vaincues n’ont pas d’autre choix que d’accepter ce triste destin qu’on leur offre, puisqu’elles ne sont pas en mesure de survivre sans le support d’un groupe organisé, fut-il maltraitant au début31. Mais si elles ont la chance de plaire à desMais si elles ont la chance de plaire à des mâles vainqueurs dominants et si elles ont la chance de mettre au monde des fils, elles parviendront parfois à se ménager un statut plus envié dans leur communauté ‘’d’accueil’’ ; surtout si leurs fils arrivent un jour à faire partie des mâles les plus en vue de la jeune génération32. Ainsi, chez les Chimpanzés, on constate que la guerre est bien un arrière-plan du flux génique.

- Chez les Humains anciens

L’archéologie préhistorique et protohistorique moderne met au jour ou réinterprète de plus en plus de vestiges dont l’explication la plus rationnelle oblige à invoquer des violences intercommunautaires, c’est-à-dire des guerres primitives. Mais pour avoir des données vécues sur le déroulé des opérations, il suffit de se tourner vers l’ethnologie des peuples subactuels qui fournissent un constat éloquent : sur tous les continents, les récits des anciens explorateurs décrivent des guerres primitives qui ressemblent au détail près à ce qui vient d’être relaté pour les Chimpanzés. A la différence près que les Humains sont capable de formuler des raisons à ces conflits. Parmi ces raisons – qui sont toujours les mêmes – on évoquera pêle-mêle : des catastrophes économiques (i.e. ‘’Il faut envahir le voisin parce que sinon on va mourir de faim !’’) ; des catastrophes démographiques (i.e. ‘’Nous sommes trop nombreux pour notre territoire ; il faut envahir le voisin pour que tous nos enfants puissent s’établir dans la vie !’’)33 ; le besoin en certaines ressources (i.e. ‘’Il faut envahir le voisin parce qu’il possède un bon gisement de silex!’’) ; un rapport de force favorable, qu’il soit technologique ou démographique (i.e. ‘’C’est le meilleur moment pour attaquer préventivement le voisin tant que nous sommes plus forts que lui !’’)34 ; des ambitions individuelles de la part de seconds couteaux (i.e. ‘’Ce sont nos frères qui sont les chefs de notre tribu ; si nous voulons devenir des chefs nous aussi, nous devons nous emparer du territoire voisin’’) ; des désirs de progression sociale (i.e. ‘’Pour devenir membre du conseil tribal, je dois rapporter trois têtes ennemies’’) ; un manque de femme (i.e. ‘’Tous nos garçons ne parviennent pas à se marier ; il nous faut leur trouver des épouses gratuites chez nos voisins’’ ; des chimères oraculaires (i.e. ‘’Les voisins pratiquent la sorcellerie contre nous ; le Grand Faucon nous demande de les punir’’) … Toutes ces variations sur le thème de la convoitise étant systématiquement justifiées par l’infernal cycle de la vengeance qui vient répondre aux nombreuses avanies que les voisins nous ont précédemment fait subir au cours d’une longue suite de conflits incessants, grands et petits. Toute l’ethnologie et toute l’histoire ancienne nous montrent que, chez les Humains pré-étatiques, la norme c’était la guerre ; pas la paix ! Au point que ces guerres tribales étaient quasi annuelles, tant étaient nombreuses les occasions de conflits que nous venons de lister. De telles guerres d’allure primitive existent d’ailleurs toujours chez les Humains actuels dont les pays traversent une période d’instabilité résultant de la faillite d’un pouvoir central. En valeur absolue, ces guerres primitives ou d’allure primitive étaient (sont35) plus meurtrières que les guerres qui opposent des états nations organisés. De fait, elles se terminaient souvent en génocide de la tribu vaincue36 ; mais en général en génocide asymétrique, puisque l’extermination concernait bien davantage les hommes vaincus que les femmes vaincues. Cependant, contrairement à ce qui se passe chez les impitoyables Chimpanzés qui tuent tous les mâles ennemis lorsqu’ils le peuvent37, le génocide des mâles vaincus était souvent partiel chez les Humains pré-étatiques, parce que ceux-ci avaient tendance à épargner les jeunes garçons ‘’ennemis’’ afin de les intégrer à leur société en tant que main d’œuvre gratuite, économique ou militaire38. Au XIX° siècle, l’un des premiers missionnaires aventurés en Nouvelle-Zélande rapporta cette invective qu’un chef Maori lança en sa présence à la tête d’un chef ennemi qu’il venait de vaincre :

- Tu voulais t’enfuir n’est-ce pas ? Mais ma massue t’a rattrapé !

- Tu as été cuisiné et tu es devenu ma nourriture !

- Et où est ton père ? Il a été cuisiné !

- Et où est ton frère ? Il a été mangé !

- Et où est ta femme ? Elle est là ! Maintenant c’est l’une de mes femmes !

- Et où sont tes enfants ? Les voilà ! Ils travaillent pour moi ! Ce sont mes esclaves !

Avec plus d’éloquence qu’un rapport ethnologique, ce chef victorieux racontait parfaitement la mécanique crue des guerres primitives et nous invitait à méditer sur leur conséquences en terme de devenir des peuples : les hommes d’une tribu vaincue sont (presque tous) tués et ne peuvent donc plus faire d’enfants ; tandis que les femmes d’une tribu vaincue sont épargnées pour les besoins du sexe et donnent, par conséquent, des enfants aux hommes de la tribu victorieuse39 … Ainsi, chez l’Humain comme chez le Chimpanzé, la guerre est bien un important arrière-plan du flux génique.

- Les haplogroupes ADN-Y dans la guerre

Ce que nous venons de décrire est ce qui a été moult fois observé dans les sociétés primitives des siècles derniers. Il est possible que dès le Mésolithique, les vainqueurs aient commencé à épargner certains hommes adultes vaincus, pour les besoins d’un esclavage de prestige encore limité40. Mais c’est surtout à partir du Néolithique que les vainqueurs auront tendance à épargner un plus grand nombre de vaincus, pour les besoins d’un esclavage productiviste devenus très concrets. Il serait possible de confirmer scientifiquement cette affirmation en étudiant – pour chaque époque et dans chaque région du Monde – la diversité archéogénétique des haplogroupes ADN-Y ; on verrait alors probablement qu’aux temps paléolithiques (sociétés non-accumulatrices et non-productivistes), un haplogroupe ADN-Y victorieux éliminait presque tous les haplogroupes ADN-Y vaincus (situation génocidaire masculine quasi-totale, à l’exception de certains petits garçons parfois intégrés), alors qu’aux temps mésolithiques (sociétés accumulatrices et non-productivistes) et plus encore aux temps néolithiques (sociétés productivistes et accumulatrices), un haplogroupe ADN-Y victorieux laissait subsister une fraction plus importante des haplogroupes ADN-Y vaincus, se contentant de les reléguer provisoirement tout en bas de la nouvelle société. Plus près de nous encore, aux temps ‘’des métaux’’ et de l’histoire antique (sociétés très-productivistes et très-accumulatrices), cette ‘’clémence utilitaire’’ continua d’être exercée à grande échelle par les vainqueurs sur les vaincus ; mais à ces époques plus récentes et déjà proches de la nôtre, chacun de ces partenaires inégalitaires étaient déjà devenu le produit complexe d’une succession des mélanges haplogroupaux ADN-Y qui étaient survenus aux époques antérieures. Dans ce contexte historique déjà avancé, l’ancienne relation ‘’un groupe ethnolinguistique donné = un haplogroupe ADN-Y donné’’ avait depuis longtemps cessé d’être absolue. C’est la raison pour laquelle les groupes ethnolinguistiques actuels sont toujours composés de porteurs d’haplogroupes ADN-Y divers, et la raison pour laquelle il est devenu impossible de lier étroitement les langues et les gènes dans le Monde d’aujourd’hui, alors que langues et gènes (i.e. haplogroupes patrilinéaires plus souvent que matrilinéaires) étaient probablement étroitement associés au début de l’expansion des Hommes modernes en Eurasie [cf. linguistique ci-dessous].

 

Notes :

(1) Après avoir été invoquée systématiquement dans la première moitié du XX° siècle, la lecture invasionniste de la préhistoire est devenue tabou pendant la seconde moitié du siècle. Or, la génétique nous impose d’y revenir. Retour

(2) Années Avant l’Ere Commune ; ou Before Common Era (BCE) en Anglais.Retour

(3) Entre les deux ères glaciaires, malgré quelques refroidissements généralement peu intenses, le long âge des Dinosaures et des premiers Mammifères se déroula sur une planète au climat majoritairement tropical [cf. atlas n°1].Retour

(4) : C’est avec cette signification que le terme ‘’glaciation’’ est utilisé dans l’atlas.Retour

(5) Nous mettons ce terme entre guillemets pour signifier que, si elle est bien la dernière en date, il n’y a aucune raison pour penser qu’elle serait la dernière de l’ère glaciaire Quaternaire. En effet, si l’impact anthropique est plus faible que ce que nous pensons (ou si nous parvenons à le juguler), notre interglaciaire Holocène prendra fin d’ici à quelques milliers d’années ; et sera suivi par une nouvelle glaciation.Retour

(6) Cette diversité d’appellation n’est pas qu’un effet des chauvinismes nationaux. Lorsqu’on identifia cette glaciation un peu partout sur la Terre, il n’était pas encore possible d’affirmer qu’on parlait bien de la même époque.Retour

(7) Ces oscillations ont parfois été évoquées à propos de certains des anciens MIS étudiés dans l’atlas n°2. Cependant elles n’ont pas été détaillées comme elles vont l’être pour la ‘’dernière glaciation’’.Retour

(8) D’une certaine façon, comme les MIS, les stades et les interstades sont des constructions intellectuelles qui n’ont de sens que lorsqu’on moyenne les oscillations qui les constituent. Leur identification est cependant pleinement justifiée parce que nous avons besoin de créer des repères climatiques qui ont du sens pour structurer une chronologie.Retour

(9)Bien sûr, ce degré de précision est inaccessible pour des époques aussi anciennes que la dernière glaciation. Pourtant, il pourrait être utile de réussir à l’atteindre. En effet, dans l’atlas n°4, on verra que les aléas climatiques protohistoriques et historiques jouèrent un grand rôle dans l’histoire humaine. Dans les sociétés agricoles, il suffit en effet de deux années catastrophiques de suite pour engendrer une famine, elle-même à l’origine de mouvements populationnels déterminants. Les chasseurs-cueilleurs étaient moins dépendants, mais une succession de mauvaises années pouvait très bien affaiblir les troupeaux et les conduire à modifier leurs itinéraires de transhumance ; avec des conséquences dramatiques sur les tribus. Tout ceci est encore parfaitement invisible avec les outils dont nous disposons.Retour

(10) i.e. tel stade est plus ancien que tel interstade et tel autre stage.

(11) Avant le Présent ; avec un présent fixé en 1950, date où les chronologies isotopiques commencèrent d’être utilisées.

(12) Antarctic Ice Core chronology, AIC ; et Antarctic Isotopic Maximum, AIM. Retour

(13) En marge de ces systèmes glaciologiques, il existe encore d’autres systèmes chronologiques parfois utilisés dans les publications. Comme les Evènements froids de Heinrich (H) ou les évènements chauds de Dansgaar Oeschger (D-O) qui enregistrent les fluctuations rapides du climat.Retour

(14) Le génome comprend des parties dites ‘’codantes’’ (gènes servant de programmes aux protéines qui sont le fondement de nos organismes et de leur fonctionnement) et des parties dites ‘’non codantes’’ (c’est-à-dire non organisées en gènes, mais moins inactives, cependant, qu’on le croyait autrefois).Retour

(15) Nos enfants (première génération après nous) possèdent en moyenne 10.000 de nos 20.000 gènes. En continuant à diviser ce legs par deux à chaque génération, il reste mathématiquement moins de 1 de nos gènes chez nos descendants à la 15ème génération ! Bien sûr, ce chiffre peut être supérieur en fonction du hasard, ou en cas de consanguinité, où encore lorsque certains de nos gènes confèrent un avantage sélectif très utile. La notion de consanguinité peut ici être entendue de deux façons : 1) dans son sens restrictif classique (individus étroitement apparentés parce qu’ils descendent d’un ou de plusieurs ancêtres communs situés quelques générations seulement avant eux) ; ou 2) dans un sens plus large qui renvoie à la notion de ‘’race’’ ; c’est-à-dire d’une constellation d’individus lointainement apparentés et partageant des ensembles de gènes qui se présentent sous une forme particulière (une séquence ADN précise) qui est fréquente au sein de leur groupe et qui est rare en dehors.Retour

(16) L’œuf qui donne naissance à un animal est le produit de la fusion de deux gamètes : une grosse cellule maternelle appelée ‘’ovule’’, qui contient de l’ADN, des nutriments et tout l’appareillage nécessaire au fonctionnement cellulaire dont font partie les mitochondries ; et une petite cellule paternelle appelée spermatozoïde, trop petite pour contenir autre chose que de l’ADN.Retour

(17) Ou plus scientifiquement mt-MRCA, c’est-à-dire mt Most Recent Common Ancestor.Retour

(18) Le nom d’Eve ne doit pas nous abuser car il ne s’agissait nullement de la première femme non plus que de la seule femme de son époque. Elle fut seulement la plus récente ancêtre commune à TOUTE l’Humanité actuelle, lorsqu’on remonte nos lignées maternelles de manière ininterrompues. L’Eve mitochondriale avait bien évidemment une mère et une grand-mère maternelle ; mais si elle a eu des sœurs et des cousines, celles-ci n’ont aujourd’hui AUCUN descendant en lignée maternelle ininterrompue. Cependant, il faut bien comprendre que ces sœurs et ces cousines peuvent AUSSI être nos ancêtres directes, mais forcément par une filiation qui implique des hommes (par exemple, si elles n’ont eu que des garçons, bien que ceux-ci soient nos ancêtres aussi, ils n’ont pas pu transmettre leurs mitochondries puisque seules les femmes le peuvent). Cette date de 150.000 ans signifie autre chose : AUCUNE femme / femelle qui a vécu entre 150.000 ans et l’époque de la séparation entre les Humains et les Chimpanzés (v. 7.000.000 d’années) n’a aujourd’hui de descendant en lignée matrilinéaire ininterrompue.Retour

(19) Tout comme, en prenant deux feuilles n’importe-où sur un arbre, on peut repérer à partir de quelle ramification de l’arbre la sève qui monte jusqu’à elles-deux se sépare dans deux branches distinctes.Retour

(20) Si, sur 100 individus partageant un ADN-mt dont l’âge est estimé à 20.000 ans avant nous, 95 % vivent dans un endroit donné, il est plausible de faire l’hypothèse que la femme à l’origine de cette lignée matrilinéaire vivait il y a 20.000 ans dans cette même région.Retour

(21) Est-il besoin de rappeler que les hommes ont un chromosome Y et un chromosome X ; alors que les femmes ont deux chromosomes X. Chez les hommes (mâles) le Y forme une paire déséquilibrée en taille avec l’X.Retour

(22) Cette portion du chromosome Y ne contient pas de gêne. De ce fait, la séquence de l’ADN peut évoluer sans conséquence majeure et peut donc présenter une gamme étendue de variantes. Ces variantes, regroupées en familles, constituent les ‘’marqueurs ADN-Y’’.Retour

(23) En 2013, la découverte d’un homme actuel d’haplogroupe A00 – c’est-à-dire porteur d’une forme racine de l’haplogroupe ADN-Y A –, a fait remonter la date de l’Adam-Y autour de 340.000 ans ; mais il n’est pas exclu de trouver d’autres formes encore plus anciennes. Le fait que les individus (réels) appelés poétiquement Adam et Eve n’aient pas nécessairement vécu en même temps ne doit pas intriguer. Ils n’étaient pas les seuls Humains de leurs temps respectifs. Ils ne sont que des points de coalescence des plus anciens ancêtres patrilinéaires et matrilinéaires communs à tous les Humains d’aujourd’hui. Au-delà des appellations, il faut simplement comprendre qu’aucun des hommes / mâles qui ont vécu entre l’époque de l’Adam Y et celle où les Humains se sont séparés des Chimpanzés (v. 7.000.000 d’années), n’a aujourd’hui de descendant en ligne patrilinéaire ininterrompue. Cette date de 340.000 AEC pose une intrigante question puisqu’on ne fait pas remonter l’origine d’Homo sapiens sapiens avant 200.000 AEC. Trois solutions sont alors possibles : soit les formes les plus archaïques de l’haplogroupe A sont un héritage d’Hommes archaïques africains antérieurs à l’Homme moderne (Homo sapiens rhodesiensis ‘’récents’’) ? Soit la date d’origine de l’Homme moderne doit être reportée autour de v. 350.000 AEC ! Soit la date génétique de 340.000 ans est surévaluée ! Dans l’atlas n°2, nous avançons que l’Homme moderne émergea au MIS 8 (entre 300.000 et 240.000 AEC).

(24) On peut comprendre facilement ces données si on les transpose à une famille patrilinéaire classique. Admettons que le premier ancêtre mâle que l’on connait dans cette famille s’appelait ‘’Dupont’’ et qu’il vivait ‘’au village’’ il y a plusieurs siècles ; plus tard, l’un de ses arrière-petits-fils s’installa dans les collines voisines et on appela ses descendants ‘’Dupont Des Collines’’ afin de les distinguer de leurs cousins restés au village, que l’on appela désormais ‘’Dupont Du Village’’. En définitive, cette séparation constitua deux nouvelles familles qui eurent de moins en moins l’occasion de se fréquenter. Quelques générations plus tard, un garçon de la branche ‘’Des Collines’’ épousa une fille de la ville où il installa une nouvelle famille appelée ‘’Dupont Des Collines De La Ville’’ ; laissant par conséquent derrière lui les autres ‘’Dupont Des Collines’’. A cette même époque, un de leurs cousins éloignés de la branche ‘’Du Village’’ décida de s’expatrier au Canada où ses descendants furent appelés ‘’Dupont Du Village Du Canada’’ ; tandis que ceux qui restaient à la ferme devinrent les ‘’Dupont De La Ferme Du Village’’. Passe le temps. Plusieurs générations plus tard, tous ces gens ignoraient l’existence d’autres branches de leur famille et avaient complètement oublié d’où ils venaient.Retour

(25) Nous n’avons pas voulu nous livrer à un jeu de piste. Mais le principe de l’atlas étant de synthétiser une littérature qui se construit peu à peu, il fallait bien unifier les divers stades de la nomenclature. C’est la version la plus récente du système ISOGG qui s’est naturellement imposée.Retour

(26) Cf. le ‘’bon sauvage’’ de Rousseau et de ses collègues des Lumières, qui pensaient que les primitifs étaient ‘’naturellement bons’’ et que les Hommes avaient été pervertis par la civilisation. Retour

(27) Un comportement identique chez deux espèces apparentées, découle a priori de facteurs génétiques. Mais il s’agit ici de gènes qui s’expriment (i.e. des gènes qui servent à quelque chose) et non des marqueurs que nous utilisons pour pister l’histoire des lignées patrilinéaires ou matrilinéaires. Lorsque deux espèces vivantes partagent un même comportement, on est en droit d’inférer que les espèces éteintes issues de la même divergence qu’elles exprimaient aussi ce même comportement. C’est le contraire qu’il faut démontrer lorsque l’on a des doutes à ce sujet. Certains font cependant remarquer que les Bonobos sont différents ! Dans un tel cas, il est plus logique de penser que c’est leur lignée qui a modifié son comportement, que de penser que les Chimpanzés et les Humains auraient acquis séparément un comportement identique !Retour

(28) Les Chimpanzés ne connaissent pas nécessairement leur père. Mais puisqu’il s’agit (comme les Humains) d’une des rares espèces philopatrique chez les Mammifères (i.e. les mâles restent toute leur vie dans le clan où ils sont nés, tandis que les jeunes femelles partent le plus souvent pour s’intégrer à un autre clan), tous les mâles d’un clan sont cousins en lignée patrilinéaire. La philopatrie n’est pas habituelle chez les Mammifères ; c’est une particularité des Hominines, le groupe que nous formons avec les Chimpanzés et les Bonobos.Retour

(29) Ils peuvent le convoiter d’autant plus qu’il existe des tensions sociales dans leur groupe. Par exemple, lorsque le groupe est trop grand et que deux mâles dominants s’affrontent de manière plus ou moins feutrée pour le leadership. Dans un cas comme celui-ci, l’un des mâles et ses partisans peuvent constituer un groupe ‘’dissident’’ désireux de se trouver un nouveau territoire. Dans un Monde vide, il suffit d’aller plus loin. Mais dans un Monde plein, ça ne peut se faire qu’au détriment d’un autre groupe. Ce qui est peut-être génétiquement plus intéressant que la guerre civile ?Retour

(30) Ce qui est pratiquement la même chose, parce que, dans la forêt, les Chimpanzés isolés sont voués à une mort certaine à plus ou moins brève échéance.Retour

(31) Ce sort peut paraitre rude. Il ne faut pas oublier, cependant, que – contrairement aux mâles – les jeunes femelles Chimpanzé quittent le plus souvent leur groupe de naissance pour s’intégrer dans une communauté voisine. Où elles doivent faire leur place en butte àl’hostilité des femelles installées. Ainsi, qu’elles intègrent une communauté voisine spontanément où à la suite d’un conflit, le processus n’est pas nécessairement très différent.Retour

(32) Sans le soutien d’une mère dominante pendant leur enfance, ils partent cependant avec un handicap social dans la vie. Les Chimpanzés forment souvent des couples mères fils très forts. Les filles adolescentes quittent souvent la famille pour aller s’intégrer à une autre bande.Retour

(33) Ce mécanisme apparenté au ‘’ver sacrum’’ des Anciens a été important depuis le néolithique, mais il pourrait avoir existé bien plus que cela ; par exemple lorsqu’un territoire de chasse n’était plus suffisant pour une tribu nombreuse. La seule différence entre le paléolithique et le néolithique étant, ici, la surface du territoire nécessaire pour assurer sa subsistance (grand au paléolithique, plus réduit au néolithique).Retour

(34) Les nouvelles technologies ont émaillé le cours du paléolithique : par exemple la découverte du propulseur, qui permit d’envoyer des traits plus forts et plus loin. Disposer d’une telle supériorité est un atout majeur pour la protection et le développement de notre propre groupe au détriment des groupes voisins (avant que la nouvelle technologie percole chez eux). La pratique universelle des attaques préventives est un autre aspect de la supériorité militaire : on attaque un voisin déjà affaibli, de crainte qu’il ne se rétablisse bientôt et se retrouve de nouveau suffisamment fort pour nous attaquer.Retour

(35) Malgré ce qui se passe encore dans plusieurs régions du Monde, ou ce qui est récemment arrivé en Europe Post-Yougoslave, nous parlons désormais de ces guerres primitives au passé.Retour

(36) C’était par exemple très fréquent dans les conflits précoloniaux entre peuples amérindiens. Bien que d’époque coloniale et bien qu’œuvre de fiction, ‘’Le dernier des Mohicans’’ est dans toutes les mémoires.Retour

(37) Lorsque l’accumulation des faits n’a plus permis de croire aux Humains ‘’bons sauvages’’, les Chimpanzés ont pu un temps apparaitre aux chercheurs comme le reflet d’un passé idéalisé, parce qu’on les croyait membres d’une espèce pacifique. Des sortes de ‘’bons sauvages poilus’’. Et lorsque des violences étaient signalées, on les attribuait systématiquement au fait qu’elles provenaient d’individus pervertis par les contacts avec des Humains … Jusqu’au jours où l’on a observé le comportement qui vient d’être décrit … chez des Chimpanzés épargnés de tous contacts avec les Humains.Retour

(38) Ces enfants épargnés n’ont pas le choix. Livrés à eux même, sans l’appui d’un groupe humain organisé, ils ne pourraient pas survivre. Il est probable que, plus les peuples vainqueurs ont développé des besoins de main d’œuvre (à partir du néolithique, c’est-à-dire des champs à cultiver et des objets à manufacturer), plus ils sont devenus enclins à épargner les enfants et les hommes adverses ; au moins ceux qui étaient suffisamment dociles pour se laisser facilement domestiquer. Mais l’ethnologie montre que – bien qu’ayant peu besoin de main d’œuvre – les peuples préagricole pouvaient aussi épargner les petits garçons car, ceux-ci étant encore malléables, ils pouvaient en faire des guerriers qui renforçaient le bras armé de la tribu ; parce que la tribu vivait toujours dans la crainte de succomber à une autre tribu plus puissante. Transformer en fer de lance de notre clan les garçons d’un clan vaincu, c’est encore ce que faisaient il y a peu les Turcs avec le corps des janissaires. Serait-ce parce que les Chimpanzés n’ont pas les moyens d’utiliser les enfants ennemis, qu’ils ne présentent pas cette tendance humaine à en sauver quelques-uns ?Retour

(39) Dans l’introduction de ce chapitre, nous avons invoqué l’archéologie mais sans développer son apport. Les anciens européens se comportaient exactement comme tous les autres peuples primitifs : l’archéologie révèle des massacres, des mutilations, des décapitations et des traces de décharnement qui ne peuvent être interprétées qu’en termes de cannibalisme. L’espèce humaine est très homogène et son comportement est très stéréotypé.Retour

(40) Les sociétés à potlatchs de la côte Nord-Ouest des USA étaient encore mésolithiques au moment de la conquête européenne. Les chefs de ces sociétés disposaient d’esclaves occupés à diverses tâches, bien que la société ait été accumulatrice de richesses plutôt que productiviste. Parfois, ces esclaves étaient massacrés à distance de leur capture, dans le contexte des destructions ostentatoires de richesses qu’étaient ces potlatchs. En effet, un esclave est avant tout un prisonnier épargné … provisoirement réchappé du massacre auquel il était promis en tant qu’homme vaincu. C’est peut-être en cela qu’un esclave était considéré comme un non-homme ; virtuellement, il n’était déjà plus.Retour

temps.png
Retromigration.jpg
Ancre 1
Ancre 2
Ancre 3
Ancre 4
Ancre 5
Ancre 6
Ancre 7
Ancre 8
Ancre 9
Ancre 10
Ancre 11
Ancre 12
Ancre 13
Ancre 14
Ancre 15
Ancre 16
Ancre 17
Ancre 18
Ancre 19
Ancre 20
Ancre 21
Ancre 22
Ancre 23
Ancre 24
Ancre 25
Ancre 26
Ancre 27
Ancre 28
Ancre 29
Ancre 30
Ancre 31
Ancre 32
Ancre 33
Ancre 34
Ancre 35
Ancre 36
Ancre 37
Ancre 38
Ancre 39
Ancre 40
Retour 1
Retour2
Retour 3
Retour 4
Retour 5
Retour 7
Retour 6
Retour 8
Retour 9
Retour 10
Retour 11
Retour 12
Retour 13
Retour 14
Retour 15
Retour 16
Retour 17
Retour 18
Retour 19
Retour 20
Retour 21
Retour 22
Retour 23
Retour 24
Retour 25
Retour 26
Retour 27
Retour 28
Retour 29
Retour 30
Retour 31
Retour 32
Retour 34
Retour 35
Retour 36
Retour 33
Retour 38
Retour 39
Retour 40
Retour 37

© 2019 Thierry d'Amato

bottom of page