B – 145.000.000 à 130.000.000 AEC
CRETACE Inférieur – Berriasien à Hauterivien
PLACENTALIA - v. 145 MA - Asie
C’est postérieurement à la dévastation d’origine inconnue4 qui mit fin au Jurassique v. 145 MA – et qui causa une extinction de masse plus intense qu’on ne le pensait encore récemment – qu’émergèrent les PLACENTAIRES basaux. La radiation évolutive des PLACENTAIRES basaux est donc celle du Crétacé inférieur [v. 145 à 100 MA, cf. aussi carte C], comme la radiation des THÉRIENS avait été celle du Jurassique moyen [v. 174 à 163 MA, cf. carte 0v], comme la radiation des EUTHÉRIENS avait été celle du Jurassique supérieur [v. 163 à 145 MA, cf. carte A], et comme la radiation des EUPLACENTAIRES sera celle du Crétacé supérieur [v. 100 à 65 MA, cf. carte D]. Ainsi est rythmée l’évolution des espèces : entre catastrophes qui dévastent plus ou moins profondément la biosphère, et radiations spécifiques qui permettent le rétablissement plus ou moins rapide des écosystèmes en installant des groupes de nouveaux acteurs sur la scène.
Encore une fois, les Placentaires sont un groupe originaire d’Asie. Plutôt qu’un véritable clade, les Placentaires basaux constituèrent probablement une série de clades dont les divisions nous apparaissent brouillées par l’intensité et la rapidité de la radiation spécifique, ainsi que par la pauvreté des fossiles connus. De la même façon que leurs ancêtres Euthériens, et en dépit de leur nom, il est possible que les PLACENTAIRES basaux, se soient encore reproduits à la manière des Marsupiaux ; d’ailleurs, le bassin des Placentaires modernes conserve les vestiges des « os marsupiaux » de leurs ancêtres. Une de ces lignées basales donnera plus tard naissance aux véritables Placentaires (EUPLACENTAIRES) 5.
La phylogénie adoptée ici est loin d’être consensuelle, comme c’est toujours le cas lorsqu’on étudie des espèces issues d’une radiation spécifique intense et rapide ; car c’est seulement après qu’une nouvelle crise de la biosphère soit venue clairsemer les rangs d’un éventail de taxons en cours de diversification, que l’on repère facilement des sous-clades consensuels6. Globalement, tous ces groupes basaux sont d’origine asiatique, même si certains d’entre eux ont migré précocement en Amérique du Nord et/ou en Europe, précédant en cela ce que firent après eux de nombreux Euplacentaires. Ainsi, dès la fin du Crétacé inférieur (avant 110 MA), puis au cours du Crétacé supérieur (avant 80 MA), quelques Placentaires basaux ont quitté l’Asie pour s’implanter en Amérique du Nord et, depuis là, en Europe où ils ont bouleversé les faunes mammaliennes préexistantes. En revanche, avant l’extrême fin du Crétacé supérieur, nous ne connaissons aucun Placentaire basaux sur les continents du Sud, issus de la fragmentation du Gondwana7 ; lesquels continents sont donc longtemps demeurés le domaine des Mammifères ‘’primitifs’’ ovipares. Cette configuration Nord / Sud s’explique par l’absence très prolongée de ponts continentaux entre les masses continentales septentrionales et méridionales.
Eomaia
Le célèbre Eomaia était un animal arboricole de la taille d’une souris et au régime alimentaire insectivore. On le présente souvent comme s’il était le plus récent ancêtre commun des Mammifères Placentaires actuels ; mais il s’agissait plus certainement d’un Placentaire basal. Il n’en demeure pas moins que notre ancêtre de l’époque devait beaucoup lui ressembler et que c’est d’un animal de ce type que descendent TOUS les Mammifères Placentaires d’aujourd’hui, de la baleine à l’ours, aussi bien que des chauve-souris à l’Humain ! Les restes d’Eomaia sont attestés en Asie v. 125 MA, mais sa lignée pourrait très bien remonter au début du Crétacé inférieur.
Eomaia – 125 MA – Placentalia basal – Chine
Adapisoriculida
Certains chercheurs pensaient encore récemment que les Adapisoriculidés étaient d’authentiques Euplacentaires proches de notre clade des Euarchontes ; mais des révisions phylogénétiques les ont placés parmi les Placentaires basaux où ils ne sont peut-être qu’un groupe paraphylétique regroupant plusieurs taxons anciens. Les Adapisoriculidés ne sont pas attestés en Asie pendant le Crétacé supérieur ; mais ils étaient nécessairement présents sur ce continent à cette époque, puisque, vers 70 / 65 MA, juste avant la catastrophe K/T, leurs descendants Deccanolestidae (Deccanolestes) atteindront les Indes qui venaient – sous une forme ou sous une autre8 – d’entrer en contact avec l’Asie ; Par la suite, du Paléocène à l’Eocène les Adapisoriculidés survivront en Europe (Adapisoriculus, Bustylus, v. 60 / 49 MA) ainsi qu’en Afrique du Nord (Afrodon, v. 60 / 49 MA) qu’un de leur taxon était parvenu à atteindre v. 60 MA. Les Adapisoriculidés disparurent v. 49 MA.
Montanalestida
Comme son nom l’indique, Montanalestes descend d’un taxon migré en Amérique du Nord, peut-être à l’occasion de l’échange faunique Asie / Amérique du Nord survenu v. 125 MA ? Il vivait à la fin du Crétacé inférieur, v. 110 MA.
Murtoilestida / Bobolestida
Murtoilestes vivait en Russie vers 120 MA ; et Bobolestes en Ouzbékistan (Asie) vers 100 MA. A l’instar des Adapisoriculidés et des Montanalestidés, ces deux familles se sont détachées tôt du ‘’tronc’’ des Placentaires basaux.
Toutes ces lignées très basales sont probablement apparues dans la première partie du Crétacé inférieur (i.e. entre 145 et 125 MA). Leur émergence figure sur la carte C.
Notes :
(4) Le cratère d’impact de Morokweng (diamètre 90 km), en Afrique du Sud, est daté de 146,2 ± 1,5 MA. Le cratère d’impact Mjølnir (diamètre 40 km), dans la mer de Barent près des côtes norvégiennes, est daté de 142.0 ± 2.6 MA. Enfin, le cratère d’impact de Gosses Bluff (diamètre 24 km), dans le Territoire du Nord en Australie, est daté de 142,5 ± 0,8 MA. Ces trois impacts ont donc eu lieu au voisinage de la limite J/K, ce qui autorise l’hypothèse qu’ils pourraient en être l’origine. Retour.
(5) Le placenta fut peut-être le résultat d’une infection virale. Retour.
(6)Mais parfois, la découverte de nouveaux fossiles et/ou le recours à des méthodes d’analyses plus poussées, parviennent à limiter les incertitudes, y compris dans ce type de situation. Ainsi, il y a quelques années, certains Placentaires basaux étaient considérés comme de véritables Eu-Placentaires déjà engagé dans l’un ou l’autre des 4 grands clades actuels ; mais aujourd’hui, le réexamen des données disponibles, permet de situer TOUS les taxons du Crétacé Inférieur à l’extérieur du clade des Placentaires modernes. Retour.
(7) Et encore, cela ne sera vrai que pour l’Inde, qui s’était désormais suffisamment rapprochée de l’Asie pour que des taxons asiatiques aient la possibilité de commencer à la coloniser. Retour.
(8) Au tout début du contact, il est probable que le passage n’était pas encore facile (chapelet d’îles ?) ; car, sinon, nous constaterions la migration massive de nombreux taxons très divers. Retour.
